Elle l’avait suffisamment répété à ses élèves et aux journalistes pour savoir le risque qu’elle prenait : « L’œuvre de Franz Liszt est érotique, il faut avoir le cœur enflammé de désir pour transcender son œuvre. Ses « rêves d’amour » ne valent rien s’ils ne sont pas interprétés par une pianiste assoiffée de volupté. C’est la raison pour laquelle Liszt sera toujours plus magnifique interprété par une femme. Le désir masculin n’est pas assez subtil, pas assez profond, il est trop urgent. Le désir qui habite une femme aimée et qui aime est inégalable et seul capable de comprendre l’œuvre de Liszt. »
On l’avait taxée de sexisme à maintes reprises, certains pianistes célèbres ne manquaient pas de lui envoyer des pics avant leur concert quand ils s’apprêtaient à jouer du Liszt, informant leur public qu’ils feraient du mieux possible et s’excusant d’êtres des hommes… Et chaque fois qu’elle-même donnait un concert de ce compositeur dont elle était la grande spécialiste, les critiques s’empressaient d’y courir, espérant machiavéliquement, assister à un raté.
Mais même ses plus grands détracteurs s’inclinaient chaque fois devant son génie implacable. Elle jouait Franz Liszt comme personne et il était impossible de ne pas être bouleversé par ses interprétations exceptionnelles.
Et voilà que dans quelques heures, elle devrait jouer devant une salle comble, venue l’écouter sublimer les « rêves d’amour ». Mais elle ne savait pas comment elle parviendrait à jouer alors que l’amour de sa vie, celui qui avait nourri ce fameux désir dont elle avait si souvent parlé, était mort quelques jours auparavant. Elle se sentait vide sans lui, incapable de ressentir la moindre envie de stupre, le moindre désir.
Elle avait pensé annuler le concert, mais son agent l’avait avertie que ce serait une catastrophe financière si elle renonçait à sa tournée. Le petit château qu’elle avait acheté avec son grand amour était un gouffre financier, et cette tournée devait notamment garantir qu’elle puisse conserver ce lieu qu’ils chérissaient tous les deux. Elle aurait l’impression de trahir sa mémoire si elle devait vendre cette propriété qu’ils aimaient tant à cause du manque d’argent. Elle devait jouer, pour lui.
Elle savait comment tenter de retrouver le désir en jouant. Elle l’avait déjà fait auparavant, avec lui, et elle allait recommencer, pour lui. Il lui faudrait beaucoup de courage, mais en l’imaginant à ses côtés, elle y parviendrait.
Le soir venu, dans l’immense salle de concert, elle fit une entrée triomphale, le public se levant pour l’accueillir avec un tonnerre d’applaudissement. Tout le monde connaissait la tragédie qu’elle traversait, et on saluait son courage dans cette période difficile. Ses admirateurs craignaient qu’elle se remette à jouer trop tôt, ses détracteurs l’attendaient au tournant. Après ses nombreuses sorties médiatiques sur l’incapacité des hommes à jouer correctement, Liszt et bien d’autres, même en deuil, on ne la raterait pas.
Elle s’assit face au superbe piano à queue et prit le temps de s’installer confortablement et d’ajuster sa longue robe. Elle ferma ensuite les yeux pour se concentrer, elle en avait besoin plus que jamais.
Le public était maintenant absolument muet, attendant avec fièvre que les premières notes résonnent. Dans ce silence respectueux, tous l’observaient avec admiration. Pas seulement pour son courage et son talent, mais aussi parce qu’elle était une femme sublime. Son corps élancé était resplendissant dans sa robe qui laissait apparaître son dos sublime sur lequel était tatouée une fleur magnifique.
Et quand elle jouait, son visage s’animait chaque fois d’une grâce unique, d’une beauté surnaturelle. On comprenait alors ce qu’elle entendait par ce désir qu’elle ressentait chaque fois qu’elle jouait. Car derrière un piano encore plus que dans n’importe quelle autre circonstance, elle devenait elle-même désirable à s’en damner. Combien d’hommes et de femmes avaient rêvé de la posséder en la regardant se mouvoir devant son piano… Mais c’était chaque fois pour le même homme qu’elle jouait ainsi, le seul qu’elle désirait. Et il n’était plus là désormais, alors on se demandait comment elle allait jouer.
Personne ne remarqua le petit objet qu’elle avait posé près d’elle, sur son large tabouret. Elle l’effleura du bout des doigts et son corps se raidit légèrement. Elle attendit quelques instants de dompter la sensation puis elle posa les doigts sur le piano. Dans la salle, on retenait sa respiration.
Le petit vibromasseur que lui avait offert son amant il y avait quelques mois était confortablement installé dans son sexe. Il lui suffirait d’imaginer son homme auprès d’elle quand les vibrations courraient dans tout son corps pour que le désir la saisisse à nouveau. C’était là son plan. Rien d’autre qu’une télécommande près d’elle et un vibromasseur dans son intimité.
Le désir serait sans doute un peu artificiel, c’était le risque encouru, mais elle était incapable de jouer sans volupté. Elle avait échafaudé son plan sans penser aux conséquences ou aux inconvénients possibles, comme prise dans une brume nourrie par sa tristesse. Et maintenant que les vibrations vrombissaient en elle, tout lui semblait stupide et dérisoire. Elle avait envie de pleurer, mais il était trop tard.
Les vibrations étaient diffusées en intensité minimale, pour ne pas la perturber, et elle se lança. Les yeux toujours fermés, elle sentait ses doigts s’agiter sur le clavier, mais il n’y avait pas de désir. Juste un léger frisson dans son bassin, insuffisant pour la transporter ailleurs… Heureusement elle n’entendait pas le murmure dans la salle. Elle jouait depuis une minute à peine et déjà on s’interrogeait, on s’émouvait. Elle avait perdu son génie, elle jouait mécaniquement et le désir avait disparu.
C’est alors qu’il y eut un raté. Pas un de ceux que la critique attendait, pas un raté musical ou une fausse note, mais un raté dans les vibrations. Un pic plus intense avait traversé son sexe au milieu du vrombissement continu. Elle avait ouvert les yeux, surprise par ce brusque changement. Puis un nouveau pic avait surgi encore, irradiant son intimité. Elle essayait de garder une constance, concentrée à son morceau pour ne pas déraper.
Puis de nouvelles pointes de vibrations se succédèrent, s’animant de façon irrégulière et faisant monter en elle un plaisir qu’elle n’avait pas prévu. Elle serra les cuisses pour tenter de faire taire ce plaisir, mais cela produisit l’effet inverse. Son sexe se contracta et son bassin se cambra dans un réflexe. Dans la salle, on retint sa respiration. Que se passait-il ? Pourquoi avait-elle bougé ainsi ?
Elle ne pouvait plus reculer, elle n’avait pas d’autre solution que d’accepter les vibrations et de se laisser aller. Elle ne comprenait pas pourquoi son appareil débloquait, mais il était trop tard pour s’en soucier. Elle se détendit et laissa son corps ressentir les sensations pleinement. Et aussitôt, les ondulations dans son intimité entamèrent un nouveau changement. Ce n’était plus des pics de vibration, mais plutôt des vagues enveloppantes, comme si une véritable danse vibratoire s’opérait dans son sexe. Sa culotte était trempée et le fruit de son désir coulait le long de sa cuisse. Ses lèvres intimes étaient grandes ouvertes, comme si elles avaient voulu crier leur plaisir.
L’extase montait en elle dans tout son corps en même temps que la musique inondait maintenant son esprit. Elle était prise dans une espèce de transe et elle n’avait plus conscience de ce qui l’entourait. Et pourtant, des centaines d’yeux étaient rivés sur elle, subjugués par le spectacle auquel ils assistaient, par ce corps qui remuaient sur le tabouret en même temps qu’il leur offrait une interprétation musicale extraordinaire…
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