Je devais m’engager pour toute la vie. C’était le grand jour. La robe blanche, les invités, tout était là pour me rappeler que je devais dire « oui » sans trop réfléchir. Mais c’était bien là le problème. Je réfléchissais. Devais-je renoncer à une vie libérée pour rentrer dans le carcan d’un régime matrimonial ? Bien sûr, j’aimais Brice, mon futur époux et je ne voulais pas lui faire de la peine. Mais j’aimais aussi ma liberté, les autres corps qui se bousculaient dans mon lit et enfin le partage du plaisir avec le plus grand nombre.
Tandis que je mettais ma robe blanche avec l’aide de ma cousine, je prenais conscience de mon corps contre le tissu, de mes seins bombés, de mes jambes fuselées. Je me rappelais alors ma première expérience avec une femme. C’était arrivé après une soirée arrosée. Je rentrais chez moi et Garance m’accompagnait, son trajet étant dans la même direction que le mien. La nuit était belle ce soir-là. Les magasins fermés offraient leur vitrine à l’obscurité. Je me rappellerai toujours ces caleçons multicolores, loufoques, dans cette rue silencieuse et nos rires en imaginant les clients venir choisir dans cette boutique leur plus bel apparat.
Nos deux visages étaient collés contre la vitrine et Garance m’embrassa, simplement, devant les caleçons qui nous regardaient, impassibles et envieux de l’excitation qui montait alors en nous. Nous avons continué notre chemin, dans le silence, comme pour ne pas troubler la quiétude des habitants ensommeillés, troublées par la fureur qui irradiait nos corps. Nous avons atterri dans l’appartement de Garance, et plus précisément, sur son canapé. En finissant une bouteille de Gin déjà bien entamée, nous avons découvert les plaisirs interdits par la morale patriarcale.
Garance était une grande femme brune, vive, musclée. Elle a d’abord enlevé mon jean. Puis, tout en m’embrassant, elle a glissé sa main contre ma culotte, sur mon clitoris séparé de ses doigts par un bout de tissu. Une montagne de sensations s’est abattue sur moi. Je lui ai enlevé son chemisier, puis son soutien-gorge et j’ai contemplé la poitrine qui s’offrait à moi et à ma bouche. La nuit continua en nous effeuillant et nous emboitant mutuellement de plus en plus. L’excitation était à son comble, j’aimais le corps de Garance et découvrais que mon plaisir n’était pas réservé aux hommes. Le matin, je partais avant son réveil, comme enveloppée d’un doux secret et frappée par la grâce.
Je mouillais alors que je mettais ma robe blanche, les images de ma première nuit avec Garance fusaient dans mon esprit. Devais-je me marier ? Brice allait-il me rendre heureuse ? Ce n’était pas le moment de douter.
Mon père entra dans la pièce. Je vis dans ses yeux qu’il me trouvait magnifique dans cette grande robe en dentelle blanche. C’était le moment de se mettre en chemin pour dire oui. Pourrais-je dire en même temps oui à Brice et à Garance ? Et les autres ?
Alors que j’entrais dans la voiture qui me menait à la mairie, j’eus d’autres réminiscences de plaisirs passés. Je me souvenais de Thomas et Hakim, deux jeunes hommes vigoureux qui étaient venus réparer mon lave-linge. Hakim avait commencé à me complimenter sur mon allure. En réalité, j’étais encore ensommeillée et vêtue d’une simple nuisette. Alors que je me penchais sur le tambour de l’appareil, je sentis le sexe dur de Thomas qui appuyait sur mes fesses. Je me voyais encore assise sur mon lave-linge, les jambes écartées quand son sexe avait commencé à me pénétrer. L’un, puis l’autre.
Hakim aimait ma poitrine voluptueuse et tout en s’engouffrant dans mon intimité, ses coups de langues sur mes tétons attisaient le feu qui s’était emparé de moi. Les deux jeunes hommes s’avérèrent très compétents, non seulement pour réparer mon équipement, mais aussi pour me donner un plaisir inespéré. C’était au début de ma relation avec Brice et nous n’habitions pas encore ensemble. Je ne lui en ai jamais parlé. Non pas que je me sois sentie coupable, mais il s’agissait de préserver mon jardin secret.
Alors que j’avançais dans l’allée qui bordait la mairie, que j’allais rejoindre mon futur mari pour officialiser devant la communauté civile notre union, j’étais en proie à de terribles doutes. Allait-il combler mes besoins autant affectifs que sexuels ? Et moi, allais-je le faire pour lui ? Avait-il lui aussi goûté à des expériences plurielles ? Devrais-je renoncer à ma liberté ?
Brice était là, dans un costume gris clair, rasé de près. Il était beau et oui, c’était sûr, je l’aimais. Mes doutes se dissipèrent. Mais je continuais à me questionner. Nous n’avions jamais parlé de nos vies sexuelles passées, ni de nos fantasmes. Tout se passait très bien au lit. J’étais très heureuse de nos ébats. Il me comblait mais plus je me rapprochais du « oui », plus je repensais à ma vie passée de catin. Et cette vie me manquait. Je me rassurais en me disant que mes questions étaient tout à fait normales, que chaque future épouse devait passer par là.
Tout à coup, je perçus dans le sourire que Brice m’adressait un instinct lubrique. Quand j’arrivai à sa hauteur, il me glissa à l’oreille « vivement la nuit de noce ». A force de me remémorer mes exploits lesbiens et pluriels, j’étais déjà bien mouillée dans ma culotte de mariée et ces mots ne firent que stimuler mes souvenirs.
C’est alors que je vis Garance dans la foule. Comment avait-elle été au courant de mon mariage ? Elle se tenait un peu en retrait des autres invités. Nous échangeâmes un regard entendu. Pour le jour de mon mariage, je la voulais avec moi. Pour me soutenir dans cette épreuve qui ne devrait pas en être une, elle qui me connaissait comme personne. J’aurais voulu qu’elle me prenne la main et m’emmène chez elle pour vivre à nouveau nos émois entre femmes. Mais c’est la main ferme de Brice qui a pris la mienne et il m’a dit à l’oreille : « c’est le moment ». Laissant ma rêverie de côté, je m’engouffrai dans l’hôtel de ville pour sceller mon union avec Brice. Il y aurait alors un repas, une fête. J’espérais que Garance serait présente.
Je décidai d’arrêter de réfléchir et de me poser trop de questions. Comme quand on monte dans un avion et qu’on attache sa ceinture en laissant son destin aux mains des pilotes, je montais les marches de l’escalier qui nous amenaient devant Monsieur le Maire. Et je pensais à cette nuit de noces que je ne voulais pas rater.
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Nouvelle écrite par Juliette Lanz
Juliette Lanz naît en été au milieu des années 80 à Paris. Elle y vit son enfance et son adolescence puis, attirée par le large, décide de s’installer d’abord à Lille, puis à Nuremberg en Allemagne. Elle travaille comme traductrice pour diverses maisons d’édition.