Il lui avait demandé un jour, il y avait longtemps mais sa mémoire était indéfectible, il lui avait demandé à peu près en ces termes et tandis qu’ils avaient passé une soirée merveilleuse où les cocktails s’étaient succédés en quantité sans doute trop grande mais ils avaient eu envie tous les deux d’abus ce soir là, d’excès à tous les niveaux, aussi bien dans l’ivresse que dans les plaisirs du corps, ils avaient d’ailleurs fait rageusement l’amour peu de temps après cette discussion, il s’en souvenait très bien parce qu’il avait une mémoire indéfectible, donc, mais elle s’en souvenait tout aussi bien parce qu’il y a des extases qu’on ne peut pas oublier, or c’était ce soir de tous les vices et de tous les plaisirs qu’il lui avait demandé quels seraient les trois objets coquins qu’elle aimerait un jour utiliser au cours d’une exploration érotique nouvelle et elle avait répondu sans trop d’hésitation parce qu’en fait elle y avait déjà pensé, elle avait répondu qu’un masque lui semblait un objet essentiel parce qu’alors elle aurait la sensation de n’être plus qu’à la merci de son amant et que l’aveuglement la rendrait aussi vulnérable que passive, profitant sans n’avoir rien d’autre à penser ou faire que de jouir de son plaisir, un masque c’était une évidence, et puis il y avait l’esthétique qui avait toujours beaucoup compté pour elle, c’était important d’être digne, élégante, en toute situation et, ma foi, un joli masque érotique en velours apportait une touche de style bienvenue, évidemment avait-elle poursuivi, une fois que l’on est plongée dans le noir, on a des envies contradictoires et nombreuses qui viennent nous secouer le corps, elle avait alors pouffé d’un air gêné car même après avoir un peu trop fait honneur aux martini dry bien tassés de ce bar d’hôtel de luxe dont elle avait oublié le nom, lui devait sans doute s’en souvenir à cause de sa mémoire indéfectible, elle avait donc eu ce rire un peu forcé pour se donner le courage de dévoiler ses envies et sans plus attendre, sans doute parce que dire les choses vite empêchent de les taire, elle avait lâché « un fouet » avec un désir évident dans la voix, elle s’était justifiée immédiatement, elle ne souhaitait pas qu’il pense qu’elle était versée dans les caves sombres et les tenues de cuir alors elle avait tout de suite expliqué qu’elle avait souvent rêvé de cette douleur piquante sur la peau à condition qu’il vienne d’une main qu’elle aime, elle était certaine de la douceur ambivalente d’une telle décharge sur le corps et ce qui l’avait toujours rebutée dans ce fantasme c’était de se sentir bête devant son homme la fouettant, leurs regards embarrassés qui gâchent le plaisir, sauf que si on a un masque sur le visage c’est autre chose, parce qu’alors l’homme peut grimacer tant qu’il veut sans être vu et elle-même peut se laisser aller sans craindre le jugement de l’autre, et puis il l’avait interrompu dans son explication, elle n’avait pas besoin de se justifier, il comprenait son point de vue et le partageait en un sens, même s’il aimait ces échanges de regard dans ces rapports de soumission, il avait souri en disant cela, car il savait qu’elle en déduirait qu’il avait de l’expérience en la matière, il ne voulait pas la brusquer pourtant et lui demanda de nommer le troisième objet sexuel qu’elle voudrait avec elle pour accompagner le masque et le fouet, et sans aucune hésitation, comme une évidence longtemps réfléchie, elle avait évoqué un vibreur puissant qui remplirait le rôle de pourvoyeur de plaisir sans concession, loin des petites extases certes merveilleuses mais un peu trop subtiles du fouet rougissant son épiderme, un vibreur qui vrombirait là où il faut pour qu’elle sente son sexe jouir sous les vibrations et les va-et-vient dans son vagin trempé, et quand elle avait eu ces mots crus précisément, il s’en souvenait comme si c’était hier avec son cerveau indéfectible, ils avaient laissé un bon pourboire au barman et ils étaient rentrés chez lui assouvir cette envie de stupre qui les avait saisis tous les deux dès l’instant où elle avait commencé à évoquer ses désirs, un déroulement de soirée des plus agréables qui avait hanté avec douceur son esprit et qu’il avait cherché souvent à retrouver sans vraiment y parvenir jusqu’à ce que le destin lui donne un coup de pouce sous la forme d’une mallette érotique de grand luxe qui renfermait non seulement un masque, un fouet et un vibreur, mais tout une foule d’autres objets qu’ils auraient le loisir d’essayer plus tard pour leur plus grand plaisir d’autant qu’il avait tout de suite été frappé par la beauté des finitions de chaque objet et n’avait pas hésité longtemps avant d’en faire l’acquisition et de proposer à sa belle qu’ils se retrouvent dans ce même bar où ils s’étaient tellement amusés il y avait maintenant exactement trois ans, et bien sûr, cette proposition alléchante énoncée, les souvenirs de plaisir revinrent à l’esprit de la femme qui accepta immédiatement sans savoir qu’il avait de surcroît réservé une chambre dans l’hôtel pour faciliter la suite des événements, raison pour laquelle elle le trouva déjà assis au bar quand elle arriva avec dix minutes d’avance puisqu’il avait pris soin de déposer les trois objets dans la chambre avant de rejoindre le point de rendez-vous où il reconnurent leur barman d’il y avait trois ans, toujours aussi impeccable dans sa prestance et la réalisation de ses boissons, et toujours aussi discret si bien que la conversation commença sans pudeur, avec une pointe d’excitation, car tous deux savaient comment les choses avaient évolué la dernière fois et ils n’espéraient pas moins de ce retour dans le passé, même s’ils avaient conscience que la magie de la première fois avait quelque chose d’insaisissable qu’ils ne devaient pas rechercher dans les mêmes termes, raison pour laquelle il ne mit pas le sujet du sexe sur le comptoir trop tôt, en fait, c’était elle qui finit par l’évoquer, se remémorant leurs orgasmes spectaculaires d’il y avait trois ans avec nostalgie, et lorsque la soirée toucha finalement à sa fin, l’esprit moins embrumé par l’alcool que la fois précédente, il la saisit par main et l’entraîna dans l’ascenseur vers leur chambre prévue pour la nuit et elle lui sourit tendrement, peu étonnée au fond de la surprise de son homme qui avait insisté pour qu’ils reviennent dans cet hôtel à l’aura spécial, un peu plus étonnée en revanche en découvrant les trois objets qu’elle avait choisis il y a trois ans, ce masque, ce fouet et ce vibreur dans des teintes d’un noir sombre magnifique et qui lui donnèrent immédiatement un petit frisson dans le bas du dos, les perspectives qu’ils offraient dépassant même ses fantasmes maintenant qu’ils étaient sous ses yeux, et avant qu’elle n’ait pu prononcer un mot, il l’allongea sur le lit moelleux, lui mit le masque sur les yeux et commença à la déshabiller lentement, et comme elle l’avait décrit à l’époque, elle se laissait faire, se retrouvant ainsi entièrement nue par l’effeuillage délicat de son amant, et avant même la première caresse, elle sentait déjà son corps frissonner d’émoi, une sensation qui s’accentua encore quand elle sentit les douces lanières de cuir glisser lentement sur sa peau car elle savait que la douceur n’allait pas durer et justement le « clac » du premier assaut atteignit la cuisse, son corps se souleva dans un réflexe, un deuxième « clac » la fit sursauter et son amant la retourna d’une main ferme avant de saisir une de ses fesses et fouetter l’autre avec conviction, et comme elle gémissait sous les assauts qu’elle commençait à trouver trop appuyés, et comme il avait prévu la chose, il guida la main de sa douce vers son clitoris pour qu’elle se donne du plaisir en même temps qu’elle recevait les coups, et il nota avec contentement que l’équilibre fonctionnait à merveille, qu’elle découvrait un plaisir inédit à la fois proche et différent de ce qu’elle s’était imaginée à l’époque, quand elle avait évoqué ces différents objets, qu’elle profitait de cet instant de délice dans un abandon délectable, à quatre pattes les yeux bandés, les doigts s’agitant avec frénésie entre ses jambes tandis que les coups de fouet pleuvaient et qu’elle savait déjà que ses fesses en sortiraient rougies, c’était précisément au moment où elle se figurait l’état de ses fesses que les coups de fouet s’arrêtèrent et qu’elle sentit qu’il attrapait son poignet et le sortait d’entre ses cuisses, plaçant ses deux mains jointes derrière le dos dans un silence qui augurait une suite mystérieuse, même si le mystère ne dura pas longtemps puisqu’un nouveau coup de fouet d’une violence spectaculaire vint la remettre dans le jeu, avec une douleur qu’elle n’eut pas le temps de manifester oralement car les lanières revenaient maintenant à un rythme effréné qui ne la laissaient pas respirer, et quand elle voulut revenir à son clitoris, la main de son amant était encore là pour l’en empêcher, ce qu’elle avait du mal à accepter puisque seule la douleur venait maintenant irradier son bassin, une douleur telle qu’elle songeait maintenant à s’en plaindre franchement quand des vibrations époustouflantes vinrent résonner à l’entrée de son sexe dans un bourdonnement qui lui fit oublier ses fesses maltraitées, d’autant que l’objet vibrant écartait ses lèvres pour se frayer un chemin dans son intimité trempée et qu’au fur et à mesure qu’il la pénétrait, sa respiration s’accélérait à un rythme qu’il cherchait à reproduire dans les coups de fouet qu’il lui donnait d’une main tandis que de l’autre il la pénétrait à l’aide du vibreur puissant, mais comme lui-même n’y tenait plus, il lâcha finalement le fouet et sortit son pénis raide de désir qu’il posa contre la bouche de sa belle qui, sans hésiter, l’avala avec une gourmandise d’autant plus féroce qu’elle était en train de jouir des vibrations qui l’envahissaient dans tout son bassin et lorsqu’elle cria finalement son orgasme démentiel, il jouit à son tour dans sa bouche, comme pour parfaire leur complicité érotique réussie, et cette jouissance partagée qu’ils avaient tous les deux criées, seul le barman à l’étage en dessous la remarqua, aussi parce qu’il l’avait guettée, lui qui avait suivi leur conversation de ce soir avec attention et qui se souvenait parfaitement d’eux et de leurs fantasmes exprimés à voix haute trois ans plutôt, car lui aussi avait une bonne mémoire. Indéfectible.