Elle avait toujours les mêmes gestes délicats, tendres, prévenants, d’une douceur exagérée et qui servaient à masquer ses véritables pensées. Je faisais semblant de ne rien voir, je jouais son jeu, feignant de croire en son désir pour moi. Au fond, je n’avais pas vraiment le choix. La confronter était impensable, pas dans ce contexte. Et puis je l’aimais trop, j’aimais son corps, son intelligence, sa force… Je n’étais rien sans elle, je ne pouvais pas me permettre de la perdre.
Alors quand nous faisions l’amour, je posais mes seins contre les siens le plus longtemps possible, en l’embrassant dans la nuque parce qu’elle n’aimait pas quand nos langues se mêlaient. Je sentais mes tétons se durcir à chaque fois. Mes petits seins roses et plats se réveillaient aussitôt qu’ils entraient en contact avec ses seins lourds de femme pulpeuse. Je lui disais parfois que j’adorais ses seins, que je les trouvais si beaux comparés aux miens. Et elle me disait alors que j’avais de la chance, que mes seins vieilliraient mieux que les siens, surtout si elle avait un enfant un jour.
Mais comment pourrait-elle avoir un enfant avec moi ? Alors j’ignorais la remarque et je me régalais de ses seins. Je les caressais, les léchais, je jouais avec, et bientôt le même rituel… Elle fermait les yeux, murmurait des mots incompréhensibles en même temps qu’elle poussait de petits cris de jouissance. Elle me caressait alors les fesses, les cuisses, le ventre et je profitais du moindre de ses effleurements que je savais si rares…
Puis venait la douceur extrême, celle que je faisais semblant d’aimer… Elle caressait mes cheveux et en profitait pour bientôt appuyer sur ma tête et la repousser plus bas dans son corps. C’était le signal. J’embrassais son ventre, je descendais vers son sexe le plus lentement possible pour ne rien perdre de toute la peau de son ventre, puis quand enfin mes lèvres effleuraient sa vulve, tout son corps se relâchait.
Elle émettait un râle satisfait et laissait ses bras le long du corps, cuisses écartées, nue, totalement abandonnée à ma bouche. J’humais à plein poumon sa toison noire et bouclée et commençais les caresses de ma langue sur son sexe, cette gâterie qu’elle attendait depuis le début. Je faisais virevolter ma langue sur son clitoris, j’aspirais sa vulve, je me laissais emporter par mon désir pour elle, lui arrachant des gémissements de plaisir, j’écrasais ses cuisses contre mon crane comme pour mieux entrer en elle avec ma bouche, je soulevais ses fesses, la suçait avec une fougue d’autant plus forte que je savais que c’était tout ce dont j’avais droit.
Et bientôt, quand elle n’en pouvait plus, elle murmurait le signal, un « vas-y » dont on connaissait toutes les deux la signification. Alors je ralentissais la cadence et approchais mes doigts doucement de son sexe. Et délicatement, je la pénétrais à l’aide de mon index et de mon majeur. Je les faisais aller et venir doucement, elle se cambrait de plaisir, les yeux toujours fermés, elle susurrait à nouveau des mots inintelligibles, son visage était de plus en plus rougi par le plaisir. Et quand je sentais que le moment était venu, j’activais mes deux doigts qui se repliaient légèrement pour stimuler son point G. Une caresse qui fonctionnait parfaitement chez elle, une mécanique jouissive parfaitement rôdée.
Elle ne tardait pas alors à bloquer sa respiration, ses mains saisissaient le drap, son corps se soulevait tout entier et j’observais son visage en transe, saisie par l’orgasme qui la traversait. Ensuite, elle s’effondrait, épuisée, ravie, rayonnante et se tournait dans le lit pour profiter de son corps engourdi par l’extase.
Et je la contemplais, amoureuse, d’abord heureuse de son plaisir avant de sentir monter la colère. Ce n’était pas ça, faire l’amour. J’avais beau avoir à peine 20 ans, j’avais eu beaucoup d’amantes. J’avais fait l’amour, le vrai. Avec nos corps collés, enlacés, nos sexes se frottant, nos doigts se fouillant mutuellement pour nous pousser à la jouissance mutuelle.
Mais avec Caroline, les choses ne s’étaient jamais déroulées de cette façon. Elle avait toujours attendu que je la fasse jouir sans tenter la réciproque. C’était aussi de ma faute, je m’étais dès le début montrée tellement amoureuse, elle avait cru que le simple fait de la caresser me suffisait et c’était en partie vrai, mais certains soirs je ressortais frustrée de nos ébats à un seul sens.
Comme ce soir.
Elle dormait déjà, ivre de plaisir. J’allumai une cigarette et regardai par la fenêtre. La nuit était presque tombée. C’était à cette heure que le spectacle était le plus terrifiant. Du haut de notre petit immeuble délabré, nous pouvions contempler Paris. Ou du moins ce qu’il en restait. Une ville détruite, en ruine, où on ne croisait plus que des rats et des cadavres. Certains soir comme celui-là, j’en venais à me demander si nous n’étions pas les deux dernières sur cette terre. Même si nous avions plusieurs fois aperçu des bandes au loin que nous avions soigneusement évitées. Cela n’apportait généralement rien de bon. Beaucoup avaient péri à cause d’une tentative d’approche.
Et quand j’avais rencontré Caroline voilà bientôt un an, dans un supermarché sous-terrain, nous avions bien failli nous entretuer, juste par peur. L’endroit n’était accessible que par un trou dans un mur dissimulé dans le métro où personne n’avait jamais eu l’idée de s’aventurer. Exceptées Caroline et moi. Mais nous l’ignorions toutes les deux. Et notre rencontre dans ces rayons avait scellé notre destin.
J’étais immédiatement tombée amoureuse d’elle, mais il lui avait fallu plusieurs semaines avant qu’elle ne me laisse l’approcher. Nous n’en avons jamais discuté, mais je crois qu’elle n’est pas lesbienne. Comme nous tous dans ce chaos sans fin, elle cherchait du réconfort, de l’humanité. Alors mon amour lui a fait du bien, et elle l’a accepté. Mais je sais bien que chaque fois qu’elle me demande d’embrasser son sexe, qu’elle ferme les yeux pour imaginer quelqu’un d’autre. Sans doute un homme. J’essayais de ne pas y penser, pour ne pas sombrer dans une jalousie démente et sans issue. Le monde offrait déjà trop d’opportunités pour sombrer dans la folie.
Un bruit attira mon attention. En bas de notre immeuble, deux ombres se faufilaient. J’écrasai ma cigarette en priant pour qu’ils ne m’aient pas vu, puis je me précipitai vers Caroline :
— Caroline, mon amour, réveille-toi ! Je crois qu’on a de la visite !
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