Avez-vous déjà questionné votre orientation sexuelle ? En allant un peu plus loin que le fait d’avoir l’impression d’appartenir ou non à une certaine catégorie ? On le sait, et on l’admet de plus en plus volontiers aujourd’hui, la sexualité n’est pas quelque chose de figé. Si certains d’entre nous se sentent 100 % homosexuel.le.s ou 100 % hétérosexuel.le.s, beaucoup d’entre nous auraient une sexualité plus fluide. On vous explique ce qu’est l’échelle de Kinsey et comment elle peut nous faire réfléchir sur notre sexualité.
Qu’est-ce que l’échelle de Kinsey ?
L’échelle de Kinsey a été développé par le sexologue et biologiste Alfred Kinsey et présenté en 1948 dans un livre collectif : Sexual Behavior in the Human Male. Ce livre a été suivi par Sexual Behavior in the Human Female en 1953. À l’époque, l’échelle mise en avant est appelée « échelle de mesure hétérosesuelle-homosexuelle ».
Au milieu des années 1950, cette échelle est une véritable avancée mais suscite de nombreuses controverses. Pour la première fois, l’idée selon laquelle l’attraction sexuelle ne se limite pas seulement à l’homosexualité ou à l’hétérosexualité apparaît sur le devant de la scène scientifique. Elle met en lumière la fluidité de nos sexualités et sur le fait que la plupart des gens ne pouvaient strictement se définir comme hétéro ou gay.
Pour parvenir à établir cette échelle, Kinsey et ses acolytes ont interrogé des milliers d’individus, échangeant avec eux sur leurs préférences, leurs pensées et leurs sentiments. Kinsey tout seul a interviewé 8 000 personnes !
D’après ses études : 37 % des hommes interrogés auraient connu une expérience sexuelle avec une personne du même sexe. Pour les hommes non mariés, cette proportion montait jusqu’à 50 % d’entre eux autour de 35 ans. Pour les femmes, 13 % des interrogées confiaient au chercheur avoir eu une expérience sexuelle avec une autre femme.
Où vous situez vous sur l’échelle de Kinsey et comment fonctionne-t-elle ?
L’échelle de Kinsey va de 0 à 6 avec une catégorie supplémentaire appelée X. Il s’agit d’une auto-évaluation, ce qui veut dire que vous décidez vous-même de l’endroit où vous souhaitez vous situez sur l’échelle.
Dans le détail, voici comment elle se compose :
0 : Comportement ou attirance exclusivement hétérosexuels
1 : Comportement ou attirance principalement hétérosexuels avec une légère inclination vers des personnes du même sexe ou la pratique d’activités avec elles.
2 : Comportement ou attirance principalement hétérosexuels avec une forte inclination vers des personnes du même sexe ou la pratique d’activités avec elles.
3 : Comportements ou attirances hétérosexuels ou homosexuels équivalents – bisexuels.
4 : Comportement ou attirance principalement homosexuels avec une forte inclination vers des personnes du sexe opposé ou la pratique d’activités avec elles.
5 : Comportement ou attirance principalement homosexuels avec une légère inclination vers des personnes du sexe opposé ou la pratique d’activités avec elles.
6 : Comportement ou attirance exclusivement homosexuels
X : Asexuels
Grâce à cette grille, vous pouvez estimer l’endroit où vous vous situez. Il n’existe pas de tests « officiels » pour s’y situer précisément (même si vous trouverez sur Internet de nombreux tests avec des questions assez proches).
Il est très important de noter qu’il existe un certain nombre de limites à ce test et que notre sexualité est susceptible de varier dans le temps.
Quelles sont les limites de l’échelle de Kinsey ?
Comme mentionné, la sexualité et l’orientation sexuelle des êtres humains ne sont pas figées une fois pour toutes, elles sont susceptibles d’évoluer au fil du temps. Ce qui en soi, constitue une limite suffisante pour ne pas avoir envie d’être assigné sur une échelle. De plus, se conforter ou se déterminer grâce à cette échelle pourrait avoir des effets négatifs si vous la considérez comme un instrument de mesure « officiel » de votre orientation sexuelle. Il pourrait être plus difficile pour vous de vous laisser tenter par d’autres expériences en fonction de vos envies et de vos ressentis.
De plus, l’échelle de Kinsey permet aux hétéros, aux homos, aux bisexuels et aux asexuels de s’y situer. Mais elle ne prend pas en compte les pansexuels, les demisexuels, les asexuels gris, polysexuels… Pas plus qu’elle ne permet à celles et ceux qui se définissent par leurs orientations sentimentales (demiromantiques, panromantiques, gray romantiques…) de s’y retrouver. L’échelle de Kinsey ne fait pas de distinction entre orientation romantique et orientation sexuelle. Certaines personnes sont sexuellement attirées par un genre particulier mais émotionnellement par un autre.
Enfin, cette échelle induit l’idée selon laquelle hétérosexualité et homosexualité seraient totalement opposées. Les gens qui chercheraient à trouver leur place sur cette échelle sont amenés à croire que plus ils se reconnaissent dans une orientation et moins ils s’identifient dans celle qui lui est (artificiellement) opposée. On sait aujourd’hui que l’orientation sexuelle est une construction indépendante.
Un autre problème se pose et soulève cette fois-ci la question du genre. L’échelle de Kinsey présuppose que le genre est binaire. Les participants et participantes à l’enquête ont dû se définir comme homme ou femme. En sont donc exclus celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans ces catégories (non binaires, intersexes ou autres identités…).
Les impacts de l’échelle de Kinsey
En dépit de ses limites, l’échelle de Kinsey a connu un effet retentissant lors de sa sortie en 1948 aux États-Unis. À sa suite, l’intégralité des États américains rendent l’homosexualité hors la loi pour mieux coller à leurs « sodomy laws » (des lois fédérales qui interdisent la pratique de la sodomie et bien souvent du sexe oral). Et l’homosexualité est ajoutée à la liste des troubles mentaux dans le Diagnostic and Statistic Manual (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux).
Voilà pour les effets tristement négatifs.
D’un point de vue plus positif, l’introduction de cette échelle a donné un nouveau cadre pour penser la sexualité. Elle a également invité les professionnels comme les particuliers à s’interroger davantage à son sujet, à faire plus de recherches sur la construction de l’orientation et des expériences sexuelles.
L’échelle de Kinsey a été également une sorte de pionnière. Depuis près de 200 échelles ont vu le jour, permettant à chacun d’évaluer différents aspects de sa sexualité. L’une des plus abouties est la grille d’orientation sexuelle de Klein.
Quelle que soit la grille que vous pourriez utiliser ou si au contraire vous vous refusez à en utiliser aucune, gardez toujours en tête que la sexualité est fluide et qu’elle peut évoluer à travers le temps. Découvrir ces grilles et effectuer des petits tests peut être amusant, mais ce n’est certainement pas le meilleur moyen pour se définir soi-même sexuellement. Ces résultats ne doivent pas vous empêcher de vivre et de tenter autre chose. Si vous en avez envie bien entendu.