Évidemment, ils avaient ri. Pas par méchanceté mais parce que je l’avais dit moi-même sur le ton de la plaisanterie. Je n’assumais pas vraiment ce manque. Alors j’avais fait une tête clownesque, un faciès marrant qui fonctionnait chaque fois. On me trouvait drôle, hilarante, la bonne copine sympa… Et je pense que ma vie sentimentale était foireuse en partie à cause de cette image que j’entretenais.
On ne me percevait pas comme une amante mais comme une fille marrante. « Femme qui rit à moitié dans ton lit », la réciproque ne fonctionne pas. En tout cas pas avec moi. Alors quand j’ai dit à ma bande d’amis que je commençais à avoir une sérieuse envie de baiser parce que ça faisait trop longtemps, ils avaient pouffé de bon cœur. Et pourtant, je ne plaisantais pas vraiment.
Ce n’était pas leurs rires qui m’avaient vexée, je les avais provoqués et ils me faisaient du bien. L’humour me permettait de parler aussi crument que je le voulais sans barrière. Non, ce qui m’avait froissé, c’était quand Myriam avait répondu « Tu peux demander un mec au Père-Noël, mes gamins font leur liste en ce moment. »
Myriam… Jolie, mariée à un beau mec, sympa, des enfants polis, une vie parfaite. J’aurais préféré qu’elle se taise plutôt que de faire une blague aussi nulle. C’est vrai que si le vieux barbu avait existé, je lui aurais probablement demandé un mâle. Au moins pour une nuit. Mais ça fait vraiment désespérée. La célibataire qui n’a d’autre choix que de s’en remettre au Père-Noël, à un miracle en somme. Va te faire foutre, Myriam.
Je n’arrivais pas à me débarrasser de cette image. Moi au milieu de gamins en train de rédiger ma lettre pour que le Père-Noël m’envoie quelqu’un me sauter. J’étais déjà contre Tinder, qui était un peu le Père-Noël des célibataires en manque de sexe toute l’année, je détestais cette vision de moi-même, en pauvre fille. Alors quand je passai devant la vitrine d’un magasin avec un Père-Noël géant qui occupait tout l’espace, je fus surprise d’entendre ma propre voix s’adresser à ce pantin mécanique.
— Si tu existes, Père-Noël, c’est vrai que je ne dirais pas non à un coup d’un soir rassérénant.
Je me retournai pour m’assurer que personne ne m’avait entendue et je fus soulagée de constater que j’étais seule. J’avais l’impression en revanche que le gros Père-Noël me regardait avec un air amusé. Il était temps que je parte à la campagne me reposer.
Quand, quelques jours plus tard, je rejoignis ma sœur et mes parents dans la maison familiale aux milieu des champs, j’étais honteuse pour la première fois. Ils ne m’avaient jamais mis la pression, mes parents n’étaient pas du genre à penser qu’il n’existait qu’un seul modèle de vie. Mon célibat ne les gênait pas. Ce qui les inquiétait, c’était plutôt les origines de ce célibat. Je n’affichais pas une volonté affirmée d’être seule. C’était donc qu’il y avait un problème quelque part.
Ma sœur quant à elle était divorcée avec trois enfants. Elle n’avait donc aucune raison de m’inciter à trouver un prince charmant. Bref, ils me foutaient tous la paix. Mais cette année, cette solitude me pesait. 35 ans c’est encore jeune. Le Père-Noël… Quelle garce, cette Myriam.
Le 24 décembre au matin, tout le monde s’affairait dans la maison pour finir les derniers préparatifs, dans la joie et la bonne humeur. Les enfants de ma sœur concentrés à lécher les plats, mon père à ouvrir les huitres, ma sœur et moi à organiser des plateaux de saumon, salades… Notre équipe fut tellement efficace qu’en début d’après-midi, nous avions terminé.
Mes parents proposèrent alors une promenade au grand air, ma sœur et ses enfants approuvèrent. De mon côté, j’étais contente de pouvoir être un peu seule dans la maison. Réflexe de célibataire, pensais-je en soupirant… Ils partirent donc en me laissant dans la grande maison de campagne qui sentait bon le feu de cheminée et la bonne nourriture.
Ils étaient tous partis depuis une dizaine de minutes à peine quand mon père m’envoya un texto. « J’ai oublié de te prévenir que le plombier doit passer, heureusement que tu es restée ! »
La colère monta doucement. Mon père ne pensait pas à mal, mais j’avais une sensation de traquenard désagréable. Si je voulais faire une sieste ou lézarder tranquillement au milieu des livres, c’était raté.
— Il y a quelqu’un ?
Je sursautai en entendant la voix qui venait de l’entrée. Je quittai mon fauteuil confortable pour aller accueillir le fameux plombier. Alors que j’avais prévu d’être à peine aimable pour que le visiteur termine sa tâche au plus vite, je retins un cri de surprise en me retrouvant nez à nez avec lui.
Il était d’une beauté irréelle. Des traits fins spectaculaires, un air à la fois viril et enfantin derrière un sourire ultra craquant. Il n’avait rien à envier aux stars hollywoodiennes qui font fantasmer sur les couvertures de magazine. C’était stupide et plein d’apriori, mais je n’avais jamais imaginé qu’un plombier puisse être aussi beau et bien fait. Car son corps suivait le reste. Il portait un pull à col roulé noir ultra seyant et un jean parfaitement ajusté qui faisaient tous deux ressortir les muscles de son corps.
Je déglutis, incapable de prononcer un mot. Il n’était guère plus bavard et me dévisageait avec son sourire remarquable.
— Vous êtes sublime.
Je n’étais pas certaine d’avoir entendu correctement. Sans doute était-ce le fantasme qui tentait de s’immiscer dans la réalité.
— Vous voulez voir le… vous cherchez…
— Je ne sais plus ce que je suis venu faire ici. Vous avez effacé ma mémoire à la seconde où vous avez franchi cette porte.
Je n’étais pas folle. J’avais bien entendu. Il s’approcha de moi et aussitôt je me mis à trembler comme une feuille. J’avais la sensation qu’il faisait de plus en plus chaud. Il posa ses mains sur mes épaules et aussitôt les tremblements cessèrent.
Il se pencha en avant et posa ses lèvres sur mon cou. Je fermai les yeux et disparus en moi-même, happée par un désir qui n’avait aucun sens. Je me sentais bien, en parfaite sécurité dans les bras d’un homme que je ne connaissais pas une minute plus tôt.
Sa bouche se promenait le long de ma nuque, embrasant tout mon corps comme une trainée de poudre dans mon cou. Il chercha mes lèvres aves les siennes et m’embrassa avec une douce fougue. Il avait goût de noisette, d’orange, de jasmin, de sapin, de rose… je m’enfonçais dans un puits de désir. Les images roulaient autour de moi. J’étais comme ivre, transportée par ces improbables bras musclés.
Il me souleva comme une plume jusque sur le grand canapé du salon, à quelques mètres du sapin décoré. Ses mains passaient sur moi comme des courants d’air tiède, des caresses féériques qui m’enveloppaient complètement. J’étais plongée dans une brume de désir qui justifiait ce qui se passait. Le plombier et moi, comme un mauvais scénario de film érotique.
Son torse nu au-dessus de moi était sans défaut. Je passai mes doigts sur ses muscles parfaits, sa peau douce tendue par le dessin de son corps sculpté. J’embrassais ses pectoraux et je sentis son corps frémir de plaisir.
Alors que je n’avais pas réalisé qu’il m’avait déshabillée, ses pectoraux se collèrent contre mes seins gonflés de désir. Je le serrai contre moi pour sentir son poids et sa force douce. Il saisit ensuite mes deux poitrines avec ses paumes puissantes et il les pressa en douceur, embrassant mes tétons et suçant mes mamelons… Je criais de plaisir.
Il se redressa ensuite et se mit debout à côté de moi pour finir de se déshabiller. Il retira son caleçon et dévoila son pénis dur et tendu. Allongée sur le canapé, je me redressais à mon tour et pris son sexe dans ma bouche sans une once d’hésitation. Il avait un goût légèrement mentholé, une sensation de douce fraicheur emplissait ma bouche et je dévorai son sexe avec bonheur. Il caressait ma tête en même temps et susurrait des mots doux, félicitant mes aptitudes à le rendre heureux.
Il s’agenouilla ensuite devant moi et embrassa mes cuisses avec sa langue se promenant sur ma peau. Il remonta doucement vers mon sexe. Je n’avais déjà plus de culotte. Je ne me souvenais pas avoir dévoilé mon intimité sans même un léger frisson… Lorsque sa langue effleura mon clitoris, tout mon corps se figea. Il avait une façon unique de lécher, sucer, embrasser mon sexe. Des salves de plaisir de plus en plus rapprochées venaient me submerger et mon corps tout entier tremblait de plaisir.
Quand il me pénétra, j’enserrai son bassin de mes jambes pour le sentir profondément en moi. Chacun de ses va-et-vient me transportait ailleurs. Ma respiration saccadée me faisait tourner la tête à moins que ce ne soit les orgasmes qui me transperçaient à répétition. Comment faisait-il pour me faire l’amour avec une telle perfection ? C’était comme si tous ces gestes étaient guidés par mes désirs. Il ne laissait rien au hasard, caressait mes seins quand j’en avais envie, me prenait avec rage quand c’était ce que je voulais, doucement quand je préférais…
Lorsqu’il jouit en moi, j’avais déjà eu plusieurs orgasmes. Il se rhabilla pendant que je tentais de me remettre de mes émotions. Le corps encore tremblant des plaisirs qui m’avaient saisie, je me rhabillai également tant bien que mal, pour éviter de croiser mes parents et ma sœur dans cette situation…
Mon bel amant sortit de la pièce et aussitôt j’entendis la porte d’entrée s’ouvrir et les voix de ma famille. Cela s’était joué de peu. Mon père me sourit et me demanda si je m’étais bien reposée. J’avais envie de bafouiller que oui, que le plombier était là, mais il ne m’en laissa pas le temps.
— J’ai oublié de te rappeler pour te dire que le plombier avait un empêchement, il ne sera pas là avant une heure.
Je me précipitai hors du salon, cherchant mon amant sous les yeux de ma famille intriguée. Puis en croisant un Père-Noël en plastique sur le lit d’un de mes neveux, j’eus la sensation étrange qu’il me souriait. Il semblait me dire derrière son air malicieux :
— Joyeux Noël, un peu en avance !