Voilà un ouvrage au parcours bien singulier que « Mélody » de Sylvie Rancourt. La rédaction de cette bande dessinée autobiographique a commencé en 1985, avec édition à compte d’auteur, avant de prendre un lent chemin vers des canaux de distribution plus à la mesure de la qualité de l’ouvrage. Reconnaissance de la profession, mais aussi critiques sévères et trainage dans la boue, cette « Mélody » a tout connu, et pour une raison simple : cette BD est un ovni, et qui rôde dans les parages de la sexualité de surcroit !
Mélange de tranches de vie et d’érotisme naïf, voici notre avis sur « Mélody », paru chez « ego comme x », une bande dessinée qui regroupe 7 mini albums des aventures de cette danseuse nue québécoise.
Résumé
Nous suivons les aventures de Mélody, une jeune québécoise en couple avec un homme peu scrupuleux et sans emploi qui l’incite à danser dans un bar à entraineuse pour gagner de l’argent. Dans ce quotidien peu reluisant, elle vit des aventures simples, fait des rencontres, côtoie le sombre comme le beau. Elle noue une relation lesbienne avec une collègue de travail, connait quelques démêlés avec la justice, tente de faire un numéro de marionnette coquin dans son club, subit les mauvaises décisions de son homme… On assiste ainsi au quotidien hors du commun de Mélody, mais dans une atmosphère emprunte de naïveté et de douceur, en contraste totale avec le monde dans lequel elle évolue.
Extrait
On a aimé
Le ton
Comme nous l’avons déjà expliqué plus haut, il se dégage une naïveté rafraichissante dans la façon de raconter l’histoire. On n’est jamais dans la vulgarité, même si le monde de Mélody en est rempli. Il se dégage une atmosphère presque joyeuse jusque dans les moments les plus difficiles qu’elle traverse. De cette façon, on s’intéresse à sa vie telle qu’elle la présente, sans pathos ni apitoiement.
Le trait naïf des dessins
Si vous recherchez une BD érotique pure où le réalisme des dessins booste votre désir, passez votre chemin. Dans « Mélody », les dessins sont simples, élégants, naïfs eux aussi et ils collent ainsi parfaitement à l’histoire et au ton adopté. Après ces premiers albums, Sylvie rancourt s’associera à un dessinateur pour l’assister. Comme le rappelle l’auteur de la préface, Bernard Joubert, Sylvie Rancourt s’inscrit sans le savoir dans la mouvance underground de la bande dessinée américaine de l’époque. Le dessin est là pour servir l’histoire avant tout.
La découverte d’un monde
L’autobiographie d’une danseuse nue en BD était un pari osé, et Sylvie Rancourt a connu d’ailleurs quelques déconvenues, mais le résultat est là et on découvre à travers ses yeux un monde qu’on connaît peu. Sans jugement ni larmoiement, on assiste à la réalité d’un métier avec ses joies mais surtout ses peines, la drogue, la proximité avec les milieux criminels, etc… Ce livre nous fait découvrir un monde dont on ne sort pas indemne. C’est aussi là qu’est sa richesse.
On a moins aimé
Le goût d’inachevé
Dans les méandres naïfs de son approche, on peut reprocher à l’auteure un certain dilettantisme dans ses histoires. Même si cette façon de tout ébaucher donne un cachet certain au recueil, on aimerait parfois un peu plus de détails et de développements. Et de la même façon, le livre se conclut de façon abrupte, sans réelle fin. On attend la suite !
Les personnages secondaires
Les personnages secondaires sont également parfois trop esquissés et certains d’entre eux ont à peine le temps de susciter la curiosité qu’ils ont disparu. C’est encore une fois le défaut de sa qualité, et c’est parce qu’on se sent transporté par le récit que cette frustration se manifeste. On voudrait en savoir plus sur tous ces gens qui gravitent autour de Mélody.
Une vie
« Mélody » n’est pas vraiment une bande dessinée érotique, même si le sexe et la nudité sont partout, mais c’est définitivement un livre de grande qualité que nous vous recommandons chaudement. Et si cette BD a suscité votre intérêt, que vous voulez en savoir plus sur son auteure et son parcours hors du commun, nous vous laissons avec ce reportage tourné en 1987.