Quand on foule toute l’année les trottoirs bétonnés d’une grande ville morne et froide, le plaisir de faire craquer les aiguilles de pin sous ses chaussures dans une pinède caniculaire est sans égal.
Combien de temps avais-je erré ainsi sur ce chemin escarpé, à profiter tout sourire de cette petite joie simple des aiguilles qui bruissent sans penser à rien d’autre ? Suffisamment longtemps pour n’avoir plus aucune idée d’où je me trouvais.
Habituée aux indications millimétrées de mon téléphone me ramenant toujours à bon port, j’étais totalement démunie devant l’absence de réseau. Je secouais mon pauvre téléphone dans tous les sens comme si les barres tant espérées allaient revenir soudainement.
Fabrice m’avait pourtant prévenue. « Si tu pars te promener dans la pinède, prends un plan et suis scrupuleusement le chemin. » Il avait raison. Comme toujours. Il était si sérieux, si raisonnable. Alors parfois, on avait envie de ne pas l’écouter, de profiter d’un moment de folie, de saisir un bonheur insensé et de se laisser guider par ses pieds faisant craquer des aiguilles de pins.
La peur d’être perdue pour toujours et l’évocation de Fabrice me firent monter les larmes aux yeux. Cette semaine de vacances dans la campagne du Lubéron était censée nous rapprocher, nous faire repartir sur des bases nouvelles et solides.
J’avais vingt-deux ans, la vie devant moi, aucun besoin de m’accrocher à mon couple moribond et pourtant j’avais accepté. Par faiblesse. Parce que mes parents adoraient Fabrice, mon grand frère adorait Fabrice, ma grand-mère adorait Fabrice… Même mes copines me l’enviaient parfois. Certes il était ennuyeux à mourir, mais il était beau à tomber et à peine trente ans, il avait entamé une ascension professionnelle spectaculaire. Le gendre idéal impossible à quitter. Surtout quand on a soi-même choisi l’incertitude financière en se lançant dans une carrière d’actrice, m’avait même soufflé une cousine…
Une situation complexe qui pouvait être réglée rapidement puisque j’étais perdue dans une pinède immense sous un soleil de plomb et que ma bouteille d’eau était presque vide. Mais tandis que j’essuyai le mélange de larmes et de gouttes de sueur qui m’empêchaient d’y voir clair, je crus distinguer à travers les arbres le toit d’une maison en contrebas.
Je dévalai aussitôt la pente avec l’espoir que la maison soit occupée. Au cœur de l’été, c’était vraisemblable. En arrivant juste au-dessus de l’immense propriété, je remarquai à quel point elle était isolée. Il n’y avait rien autour à l’exception d’un minuscule chemin qui devait tout juste permettre à une voiture de s’y aventurer.
En continuant ma descente, j’arrivai finalement derrière la maison où il n’y avait rien d’autre qu’un mur immense qui tournait le dos à la pinède. Je longeai l’immense bâtisse par la droite et parvins ainsi au jardin qui n’était séparé de la pinède que par une vague ligne d’herbe. L’endroit était réellement sublime et j’en oubliais la tristesse et la peur qui m’avaient saisie plus tôt.
À l’entrée du jardin magnifique planté au milieu de la pinède, une immense piscine au bleu profond brillait sous le soleil presque au zénith. Pendant une seconde, j’eus envie de me jeter dans l’eau pour me rafraichir. J’avançais vers la surface lisse et superbe, hypnotisée par toute cette eau, quand je l’aperçue.
Une femme était allongée sur un transat blanc, prenant le soleil en maillot de bain, des lunettes de soleil sur le nez et un foulard cachant ses cheveux. Comme je ne voulais pas lui faire peur en m’approchant trop près, je l’appelai.
— Excusez-moi…
Elle ne m’avait pas entendue. Je toussai pour m’éclaircir la voix et repris plus fort.
— Pardonnez-moi madame… Je me suis perdue et…
Toujours aucune réaction. Je continuai de me rapprocher, tentant plusieurs approches sonores différentes en vain. Arrivée à son niveau, je n’avais aucune idée de comment me signaler sans lui provoquer la peur de sa vie.
La crème solaire, dont je sentais le parfum maintenant que je n’étais plus qu’à quelques centimètres d’elle, faisait scintiller sa peau bronzée. C’était une très belle femme, le corps parfaitement sculpté, le ventre musclé, la taille fine, des seins que je devinais imposants…
Fabrice me répétait souvent combien mon corps était parfait, il aimait particulièrement le rappeler en présence de ses amis, comme un trophée qu’on exhibe fièrement. Il s’amusait à dessiner de loin le contour de me formes avec le doigt. Il avait vu Picasso faire ce geste dans un documentaire et le répétait à l’envie. Il pensait peut-être me charmer, mais cela m’agaçait au plus haut point. On ne peut pas dire que Picasso ait souvent considéré ses modèles comme autre chose que des brouillons de ses œuvres.
— Je suis vraiment désolée de vous réveiller, madame, mais je me suis perdue et…
Comme elle ne réagissait toujours pas, je me décidais à lui tapoter l’épaule. D’abord doucement, puis un peu plus énergiquement. À tel point que ses lunettes de soleil tombèrent sur son nez, dévoilant ses yeux ouverts et immobiles. Je réfrénai un hurlement en collant ma main contre ma bouche.
J’entendis à cet instant une porte claquée du côté de la maison. Je remis les lunettes à la hâte sur le corps inanimé de la jeune femme et je courus vers la première cachette qui s’offrait à moi. Un alignement de jardinières dans lesquelles étaient plantés de petits arbustes et qui servaient à délimiter les carreaux de la piscine d’avec le jardin.
J’eus à peine le temps de me cacher derrière mon arbuste qu’un homme apparut près de la piscine. Il se dirigea lentement vers le corps de la femme en scrutant les environs derrière ses lunettes de soleil. Il ne portait rien d’autre qu’un short de bain et un petit sac de plage. Il arborait un torse musclé dont il prenait vraisemblablement grand soin. Il correspondait au reste du paysage, à la maison, la piscine, la femme allongée sur le transat, il était beau. Pas du tout la tête du psychopathe tueur de jeunes femmes. Je frissonnai.
Je n’étais qu’à quelques mètres d’eux. Je préférais ne pas penser à ce qui m’arriverait s’il me découvrait là, sans autre échappatoire que la pinède brulante prête à m’engloutir.
Avec des gestes lents et maitrisés, il sortit quelques objets de son sac dont une petite serviette qu’il positionna juste devant le transat. Tout en disposant les objets près de lui, il parlait à la femme immobile. Je n’entendais que des bribes. « ma chérie… », « mon amour… », « magnifique… »
Il dégageait une telle sérénité que ma peur s’estompa petit à petit, laissant place à la fascination. Je l’observais à travers les branches de mon petit arbuste en train de caresser délicatement les jambes de la jeune femme en lui susurrant des mots d’amour. Après quelques minutes de cette étrange sensualité à sens unique, il se leva et retira son short de bain, laissant apparaître son pénis excité.
Je tentais de me faire la plus petite possible derrière ma cachette, honteuse de mon voyeurisme involontaire.
Tout en continuant de lui susurrer des mots d’amour, il se repositionna à genoux devant le transat, attrapa ses jambes et rapprocha ainsi l’entrejambe de le jeune femme contre lui. C’est alors qu’en voyant le corps de la jeune femme bouger ainsi sans réaction, je compris ce à quoi j’étais en train d’assister.
J’avais souvent entendu parler, au détour de discussions graveleuses, de ces poupées sexuelles ultra réalistes qui coûtaient des fortunes. On disait que certaines d’entre elles étaient si parfaites qu’on pouvait les confondre avec des vraies femmes. Cela expliquait que le corps de cette femme était chaud et que ses membres restaient souples… Mais j’avais touché son épaule et sa peau était tellement parfaite.
Le soulagement de comprendre que ce n’était pas un cadavre mais une poupée laissa bientôt place à la peur d’être découverte et de passer pour une espionne vicieuse. Je me faisais la plus petite possible derrière mon buisson, il était beaucoup trop tard pour me manifester et m’excuser.
L’homme était en train de masser son pénis avec une bonne dose de ce que je devinais être du lubrifiant. Puis quand il estima en être suffisamment badigeonné, il écarta doucement le maillot de bain de la femme immobile et il la pénétra lentement. En la tenant par les cuisses, il lui fit l’amour ainsi de longues minutes. Et je vis alors la poupée se cambrer légèrement, entrouvrir la bouche, ses doigts bougeaient également. Il y avait quelque chose de mécanique dans ces mouvements, mais ils étaient incroyablement bien reproduits.
La chaleur qui agitait maintenant mon corps n’était plus seulement due au soleil. Je sentais le désir monter entre mes jambes. Il y avait bien longtemps qu’aucun homme ne m’avait fait l’amour avec autant de cœur à l’ouvrage. Et je restais hypnotisée par la beauté des courbes de cette poupée plus belle que nature, avec sa peau incroyablement attirante. J’en oubliais où j’étais…
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