Magalie posa son livre sur le bord de la table de nuit, satisfaite des rebondissements de cette romance pleine d’amour et de sexe. Puis, comme tous les soirs depuis le début de l’été, elle fouilla dans le tiroir de sa table de chevet à la recherche de la petite pochette en satin.
Émoustillée par les aventures sexuelles de la belle Angeline qu’elle venait de lire, elle sortit tout sourire le somptueux sextoy emmitouflé dans son étui soyeux. Elle en prenait grand soin et son revêtement en silicone doux comme la peau d’une pêche la faisait frissonner d’avance. Quel bonheur, ce monde moderne qui permettait de s’envoyer en l’air toute seule et avec orgasme garanti, songeait Magalie.
Ses dernières aventures amoureuses n’avaient pas été à la hauteur de celles d’Angeline et Magalie préférait maintenant s’en remettre à son beau sextoy rabbit qu’elle avait surnommé « Peter ». Elle l’alluma et l’observa vibrant et remuant doucement d’avant en arrière, paré à masser son point G et à titiller son clitoris avec sa tige extérieure. Elle le contempla s’agiter dans le vide un moment, pour visualiser ce qui l’attendait, puis elle passa à l’action.
Elle enduisit « Peter » de lubrifiant avant d’aller réveiller les plaisirs de son clitoris du bout de son sextoy vibrant. Elle vit apparaître aussitôt dans ses rêves le beau Belzéchaor, l’amant d’Angeline. Il venait lui faire l’amour à elle, Magalie…
Le sextoy pénétra un peu plus dans son intimité et bientôt elle le fit entrer tout entier en elle. Il rugissait ses vibrations, il remuait dans son sexe comme une chose vivante et délicieuse, elle sentait le plaisir monter, son sexe se tremper de désir. Nue, se cambrant d’extase sur son lit, elle se sentait désirable, belle… Elle se caressait les seins, lâchait parfois des obscénités à Belzéchaor pour qu’il la prenne plus fort. Son sextoy la comblait comme il savait si bien le faire, chaque fois qu’elle faisait appel à lui.
Elle mordit dans l’oreiller de toutes ses forces quand l’orgasme s’empara de ses cuisses, de son bassin, de tout son corps… Elle hurla dans le tissu bouffant mais celui-ci glissa de ses mains… Son corps tout entier était secoué de spasmes de jouissance et elle ne pouvait retenir sa joie. Alors elle cria malgré tout. Tant pis pour les voisins.
Une fois la vague passée, elle resta allongée dans son lit, haletante, comblée. Belzéchaor avait fait du bon boulot. Et Peter Rabbit aussi. On sonna à la porte. Magalie enfila un peignoir et alla ouvrir en maugréant. C’était Monsieur Dupin, le voisin du dessous. Un vieillard grincheux qui lui pourrissait la vie.
— Je n’ai pas à supporter votre vie de trainée. Vos cris horribles de salope, j’en veux pas.
— Il suffit de retirer votre sonotone, vieux cochon.
— Et toute seule en plus, quelle honte. De mon temps…
— Je sais très bien ce que vous avez fait de votre jeunesse vieux pervers. Vos voyages en Asie, c’était pas pour les paysages…
— Comment osez-vous ! Je…
Magalie n’entendit pas la suite. Elle referma la porte en pouffant et retourna dans sa chambre douillette. Elle était épuisée. Son sextoy était toujours posé sur la table de nuit, près de son livre. Elle le remercia à voix haute et se coucha. Elle le nettoierait demain, elle était trop fatiguée.
Elle se blottit sous la couverture et s’endormit aussitôt. Sans se douter qu’à quelques années lumières au-dessus de son appartement, un événement majeur était en train de se dérouler.
Une guerre sans merci opposait des peuplades mystérieuses aux us et habitus que le terrien n’est pas encore prêt à comprendre. Toujours est-il qu’à cet instant, des armes à la puissance inimaginable déchargeaient leur énergie mortelle quelques millions de kilomètres plus loin. Or l’un de ces tirs n’atteignit pas sa cible et se perdit dans le cosmos…
Il fusa à une vitesse que l’humanité ignore, sous la forme d’un trait lumineux gorgée d’une énergie que d’aucun, encore une fois, ne pouvait se figurer. Et ce tir égaré fonça vers la terre par un improbable hasard, perdant en énergie et puissance au fil de sa traversée de l’univers. Il traversa la couche d’ozone, fendit l’air terrestre, s’approcha de l’immeuble de Magalie, poursuivit sa route parfaitement droite, pénétra dans la chambre par la fenêtre entrouverte et se ficha à pleine vitesse dans le sextoy posé sur la table de nuit.
Le choc le fit tomber au sol. Puis le vibromasseur commença à tourner sur lui-même en émettant une lumière vive, aussi brillante que le trait lumineux qui venait de l’envahir. Magalie n’entendit rien, elle continuait de dormir. Le sextoy ne s’arrêtait plus de tourner, de vibrer, de s’agiter dans tous les sens en éclairant la chambre d’une lumière blanche aveuglante. Puis il s’éteignit et tout fut à nouveau calme.
Le sextoy resta au sol un moment, inerte. Puis il s’alluma tout seul. A l’aide de ses vibrations et de ses mouvements d’avant en arrière, il rampa sur le sol de la chambre de Magalie. Il progressa ainsi jusqu’à la porte. Il se mit alors à vibrer à une vitesse vertigineuse, emmagasinant de l’énergie avant de sauter jusqu’à la poignée. Il ouvrit la porte et disparut dans l’appartement…
Le lendemain matin, Magalie fut réveillée par les oiseaux qui gazouillaient dans la cour de l’immeuble. Elle s’étira, reposée, heureuse, parée à profiter de son week-end. Elle se traina jusqu’à la salle de bain pour prendre une douche et se rappela qu’elle n’avait pas encore nettoyé son sextoy. Elle retourna dans sa chambre et fronça les sourcils en constatant que son Peter Rabbit n’était plus sur sa table de chevet… Elle était certaine de l’y avoir laissé. Elle fouilla dans son tiroir, par réflexe, et fuit surprise de le trouver là, propre, bien rangé dans sa pochette. Elle l’avait donc nettoyé… Elle haussa les épaules et partit se préparer.
Il faisait un temps magnifique. Elle attrapa son sac à main et sortit de son appartement en sifflotant. Dans la cage d’escalier, elle croisa un homme en costume cravate qui la stoppa.
— Vous habitez l’appartement au-dessus de Monsieur Isidore Dupin ?
— Oui… Pourquoi ?
— Je suis de la police.
— Il s’est passé quelque chose ?
— Je suis au regret de vous dire que Monsieur Dupin est mort.
Magalie porta sa main à sa bouche. Elle ne tenait pas le vieux dans son cœur, mais elle le croisait presque tous les jours depuis trois ans… Et les derniers mots qu’elle lui avait dits n’étaient pas ceux qu’on lance à quelqu’un qui va mourir.
— Est-ce que vous avez entendu quelque chose de suspect cette nuit ?
— De suspect ?
— Oui, mademoiselle… Je suis obligé de vous dire que tout porte à croire qu’il s’agit d’une agression. Monsieur Dupin a été assassiné.
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