Elle avait été forte. Tout le monde l’avait dit. « Qu’elle est forte » avait-on entendu de toute part le jour de l’enterrement. « C’est sa force qui va l’aider à s’en sortir », « c’est une battante, pour sûr », « elle va prendre sa revanche sur la vie », « c’est pas le genre à garder la tête sous l’eau », « vous allez voir qu’après ça, elle va être encore plus pétillante, elle est comme ça, les coups la rendent solide ».
Tout s’était passé tellement vite. Le jour de leur premier anniversaire de mariage, il avait voulu rentrer vite pour qu’ils le souhaitent dignement. Il était rentré trop vite. Une sortie de route et en une fraction de seconde sa vie avait basculé. Elle était encore jeune, elle pouvait se reconstruire, refaire sa vie, ce n’était pas trop tard. Alors elle avait été forte. Elle avait pleuré deux jours, puis elle s’était relevée, elle avait repris pied, avait montré le visage d’une battante le jour de l’enterrement avant de retourner dans son quotidien armée d’une énergie nouvelle.
Elle tâchait de ne pas penser à lui, de ne pas se rappeler les bons moments, de ne pas admettre à quel point elle l’avait aimé, à quel point elle l’aimait toujours. Elle s’était empêchée de l’imaginer dans sa voiture, ravagé par la peur juste avant de voir la mort en face, elle aurait tellement aimé être là pour lui…
Cela faisait dix jours que l’enterrement avait eu lieu lorsque le facteur sonna à sa porte. Il avait un colis pour elle. Le carton était assez grand, épais, elle se demandait ce que cela pouvait être… Elle n’avait rien commandé. Elle pensa qu’il s’agissait peut-être d’un présent d’un proche pour la réconforter. Une pointe d’énervement la saisit. Elle voulait oublier, recommencer à zéro, pas recevoir des cadeaux.
Elle posa le carton dans l’entrée et le laissa là sans l’ouvrir. Elle passa ensuite la journée à ranger, trier des affaires, elle ne s’arrêtait jamais. C’était le meilleur moyen de ne penser à rien, et surtout pas à lui. Vers 20 heures, elle s’affala enfin dans le canapé avec un verre de vin rouge. Elle se demandait si elle allait rester dans cette maison toute seule. Elle pourrait vendre, s’installer en centre-ville dans un petit appartement. Ces réflexions la déprimaient, elle cherchait déjà une nouvelle chose à faire pour cesser de penser. Elle se rappela alors du colis qui attendait dans l’entrée et partit le chercher.
Elle le rapporta dans le salon et l’ouvrit lentement entre deux gorgées de vin. C’était une mallette noire accompagnée d’une lettre. Elle ouvrit l’enveloppe et aussitôt sa gorge se serra. Elle reconnut l’écriture avant même d’avoir lu la lettre. C’était lui. Il revenait d’entre les morts pour lui remettre son cadeau. Elle poussa un cri et chercha à contrôler sa respiration qui s’accélérait. Elle commença par lire le mot en diagonale avant de reprendre du début.
C’était un cadeau de mariage, il le lui avait envoyé quelques jours avant leur anniversaire, mais le colis avait dû être égaré par la poste. Elle avait du mal à se remettre du choc et pendant quelques secondes, elle perdit sa maitrise. Elle embrassa la lettre, la huma de toutes ses forces, et quand elle se mit à pleurer, elle éloigna le papier pour ne pas effacer l’écriture avec ses larmes. Elle reprit ensuite ses esprits, rangea la lettre dans son enveloppe et entreprit d’ouvrir la belle mallette noire en cuir.
Au milieu des larmes, elle pouffa en découvrant ce que contenait la valise. Une collection de somptueux sex-toys en rose et or de toutes sortes. Elle reconnut un rabbit, des boules de Geisha, un fouet… Elle en compta douze au total. Il lui avait préparé une jolie surprise. Elle souriait en imaginant sa tête au moment de commander cette collection coquine. Il devait être tellement fier de son coup songea-t-elle… Et de nouveau, elle eut envie de pleurer.
Alors elle se leva et emporta la mallette dans sa chambre où elle la rangea tout en haut d’un placard, là où elle était certaine de l’oublier. Puis elle redescendit finir son verre de vin en pensant à l’avenir pour ne plus flancher. Elle s’endormit dans le canapé.
Les semaines passèrent sans qu’elle ne pense à lui. Ou du moins, sans qu’elle ne s’y autorise. Car dès que son image apparaissait dans son esprit, elle la chassait et se concentrait sur le présent. Elle était meilleure que jamais dans son travail, extrêmement efficace, toujours concentrée. Même si son chef était satisfait des résultats, il savait bien d’où venait cette réussite et il était sincèrement triste pour elle. Et puis, personne ne savait combien de temps elle tiendrait à ce rythme.
Mais elle semblait tenir, on en oubliait même la tragédie qu’elle avait vécue. L’acharnement qu’elle montrait pour passer à autre chose fonctionnait autant sur elle-même que sur son entourage.
C’est alors qu’un matin, on présenta un nouvel associé à toute l’équipe. Il venait d’une grande société concurrente et on comptait beaucoup sur son expérience pour permettre à leur jeune entreprise de poursuivre son expansion. Mais tandis que le patron le présentait à toute les équipes, les femmes observaient le nouvel arrivant d’un œil peu professionnel. Il était d’une beauté indicible, la petite quarantaine, sûr de lui, charmeur, musclé, avec une voix grave et douce qui donnait envie de se blottir dans ses bras.
Avant la fin de la journée, toutes les employées s’étaient donné le mot : il venait de divorcer, c’était une des raisons pour lesquelles il avait accepté ce nouveau poste. Il avait souffert de la séparation et voulait repartir à zéro sur tous les plans.
Un homme magnifique avec une blessure qu’il fallait panser… Il n’en fallait pas plus pour faire chavirer tous les cœurs de l’entreprise. Enfin, presque tous les cœurs. Seule la jeune veuve toujours perdue dans son travail acharné n’avait pas prêté attention aux charmes du nouveau venu.
Les jours continuaient de passer sans qu’elle ne pense à autre chose qu’à son travail et contrairement à l’ensemble des femmes de la petite entreprise, elle ne remarqua pas la façon qu’avait le nouvel arrivant de la regarder. Un mélange d’admiration et de je-ne-sais-quoi qui trahissait son intérêt pour elle. C’est son patron qui le lui fit remarquer innocemment un matin à l’occasion d’un rendez-vous concernant un projet en cours. Elle fut très étonnée de la remarque, pas tellement en tant que telle, mais que ce soit son propre patron qui évoque l’effet qu’elle semblait provoquer sur le petit nouveau.
Elle réalisa à cet instant que son chef se faisait du souci pour elle en tant que personne et en elle en ressentit une profonde gêne. Elle qui faisait tout pour garder la tête hors de l’eau et qui avait réussi à traverser l’épreuve, elle se demandait ce qui faisait dire à son chef qu’elle devrait prendre plus soin d’elle. Car c’est ce qu’il lui avait conseillé tout de suite après lui avoir expliqué que le nouveau la regardait d’un œil tendre.
En sortant de ce rendez-vous, elle croisa l’homme en question qui lui envoya un sourire à faire tomber. Elle rougit et poursuivit sa route en regardant ses chaussures. Elle alla dans son bureau et se plongea dans un dossier en cours particulièrement délicat. Idéal pour penser à autre chose. On frappa à la porte. Elle invita la personne à entrer.
C’était lui. Toujours accompagné de son sourire de charmeur.
– On m’a dit que tu étais la personne à voir pour être mis au courant de l’actualité des différents dossiers. Il paraît que tu es infatigable et que tu connais tout sur tout… Du coup, je me demandais… Est-ce qu’on pourrait déjeuner ensemble ce midi pour que tu me renseignes ?
Elle accepta très professionnellement, après avoir vérifié dans son agenda, puis il la laissa à son dossier. Elle sentait qu’un flot d’idées se mélangeait dans sa tête. Elle était au bord de la crise d’angoisse, mais le travail, comme toujours, la libéra. Elle ne vit pas l’heure passée et fut très étonnée quand il revint toquer à sa porte pour l’emmener déjeuner.
À la cantine de l’entreprise, beaucoup d’employés les observaient de loin, se demandant ce que la belle veuve et le beau nouveau pouvaient bien se raconter. Certains voyaient déjà une idylle naître… Mais la discussion resta très professionnelle. Il parvint à la faire rire quelques fois, ce qui lui fit un choc. Elle n’avait pas entendu son propre rire depuis une éternité. Il sembla pourtant au nouveau qu’elle était ailleurs. On l’avait averti de sa situation tragique. Sa femme l’avait quitté et il en avait beaucoup souffert, mais il savait que ce n’était pas comparable avec ce qu’elle avait vécu. Il avait entendu dire que cela faisait environ un an que l’accident avait eu lieu. Et elle semblait toujours très fragile.
En fait, cela faisait exactement un an jour pour jour qu’il était mort, et deux ans qu’ils s’étaient mariés. Un double anniversaire douloureux. Elle traversa sa journée en tâchant comme toujours de faire dévier ses pensées vers l’anodin. Elle devait avouer que le nouveau venu y était pour beaucoup dans la facilité avec laquelle elle réussit à vivre cette journée difficile.
Le soir, une fois tranquillement chez elle, elle s’allongea dans le canapé et se servit un verre de vin avant de réfléchir à ce dont elle avait envie, là, tout de suite. A sa grande surprise, ce fut un désir sexuel qui se pointa. Depuis la mort de son mari, cela ne l’avait pas même effleurée. Et pourtant, c’était bien ce dont elle avait envie à cet instant. Elle glissa sa main sous sa robe estivale et commença à caresser son sexe à travers sa culotte, pour voir où cela la mènerait.
La réponse fut immédiate. Comme une vieille voiture qui n’a pas roulé depuis longtemps, le moteur cracha un peu avant de démarrer, mais il retrouva bientôt le même vrombissement qu’il avait toujours eu. Elle poursuivit la caresse en repensant au corps de son mari, et elle se demanda si c’était une bonne idée. La mallette lui revint alors en mémoire.
Elle se leva et alla jusqu’à la chambre où elle récupéra la valise noire pleine de sex-toys. Elle l’emporta dans le salon, la posa sur la table basse et l’ouvrit. Elle contempla l’intérieur un moment, puis elle éclata en sanglot.
Elle pleurait sans pouvoir s’arrêter, dans un flot de larmes continu. Tout son désespoir remontait à la surface, tout ce malheur qu’elle avait refusé d’exprimer pendant un an ressortait en cet anniversaire maudit. Elle jeta la mallette à travers la pièce, hurla contre son mari, l’insulta, puis lui demanda pardon, puis l’insulta encore avant de le supplier de revenir… Sa tristesse sortait enfin dans une rage folle et elle en appelait au ciel pour comprendre ce qu’elle avait fait pour mériter pareil malheur.
C’est alors qu’il se passa quelque chose d’étrange. Comme si un vent s’était levé dans la pièce, un vent doux qui caressa son visage, souleva sa jupe, fit trembler la bouteille de vin, les objets dans la pièce et aussitôt, elle se sentit bien, apaisée.
Le chagrin la quitta peu à peu pour laisser place à une sorte de plénitude agréable. Et le désir qu’elle avait senti en elle quelques minutes plus tôt revint. Elle s’allongea par terre et respira calmement. Elle était enveloppée dans une sorte de douce torpeur qu’elle ne pouvait expliquer. Elle sourit. Elle sentait sa présence, il était venu pour leur anniversaire. Elle en était persuadée.
En étendant les bras, son poignet cogna dans un objet. Des boules de Geisha qui s’étaient échappées de la mallette. C’était un signe. Elle se débarrassa de sa culotte, remonta sa robe jusqu’au nombril pour dévoiler son sexe à toute la pièce. Un courant d’air tiède passa sur son pubis. Elle frémit. Puis doucement, elle joua avec les boules sur son clitoris. Le courant d’air s’intensifiait ou au contraire s’adoucissait en fonction de ses propres mouvements. Elle y allait doucement pour réhabituer son vagin à l’exercice sexuel.
Mais très vite, les sensations agréables réapparurent, aidées par l’atmosphère mystique de l’instant. Elle inséra une boule et son bassin se cambra. Elle l’agita doucement en elle et se pinça les lèvres de plaisir. Puis elle poussa encore et la seconde boule entra. Elle sentait les deux billes remuer en elle, juste en bougeant son bassin. Le souffle tiède continuait de passer sur son corps en glissant sous sa robe. Entre ses jambes, un plaisir lointain revenait peu à peu, en même temps que le visage souriant de son mari lui apparaissait nettement. Elle rampa sur le dos en remuant ses fesses pour se sentir remplie et sa main rencontra un autre objet.
Un superbe plug anal. Elle se souvint de leurs quelques expériences en matière de sodomie. Ils l’avaient pratiquée à plusieurs reprises, les soirs où l’excitation et l’envie de n’être qu’un les avaient poussés à ce vice délicieux. Elle redressa ses jambes et utilisa le plug aux contours doux pour caresser son clitoris. Elle mouillait maintenant abondamment. Et tout en faisant aller et venir les boules de geisha à l’aide du cordon de retrait, elle usa de son autre main pour jouer avec son anus du bout du plug. La pièce fut à nouveau emplie d’un vent chaud et les objets tremblèrent.
Ce n’est que lorsqu’elle prit sa tête dans ses mains pour s’empêcher d’hurler son plaisir qu’elle réalisa que le plug était confortablement installé entre ses fesses. Elle se mit sur le côté, et joua en riant avec les deux objets qui la remplissaient. Au fur et à mesure des mouvements qu’elle leur donnait, elle sentit le sol se dérober sous elle. Elle tremblait. Son corps tout entier frissonnait d’un plaisir qui montait en elle à une vitesse vertigineuse. Elle eut un premier orgasme qui la cloua au sol, puis un second qui la fit se cambrer, au troisième elle hurla et retira les deux objets qui lui offrirent encore une part de plaisir dans leur éviction.
Elle en voulait encore. En sueur allongée sur le sol, elle se redressa, retira sa robe et observa la pièce. Elle trouva la hache sexuelle qu’elle avait déjà repérée toujours dans la mallette. Elle la saisit et mit son moteur en route. Elle fit passer les délicieuses vibrations sur tout son corps, caressant ses seins, ses bras, ses cuisses, jusqu’à s’approcher du bas-ventre. Dès qu’elle fut sur le clitoris, elle pressa l’objet contre elle et l’enserra entre ses cuisses. De nouveau le vertige de plaisir la saisit. Elle faisait aller et venir la hache de son sexe à son anus avant de finalement planter la « lame » en silicone doux dans son sexe pour sentir les vibrations irradier son bassin. Elle sentait l’objet remuer en elle. Dans le tourbillon de plaisir, elle ignorait si c’était de ses propres mains ou si une main venue d’ailleurs tenait maintenant le manche. Elle jouissait.
Elle jouissait à en oublier où elle était, elle était plongée dans une brume extatique d’autant plus belle qu’elle sentait la présence de son mari partout autour d’elle, elle pouvait presque reconnaître son odeur. Et quand elle poussa un ultime cri de jouissance, elle crut percevoir le souffle chaud de sa respiration dans son oreille.
– Accepte…
Elle se releva d’un bond. Le vent tiède était retombé. Elle était en sueur, nue, assise dans son salon et se réveillait d’un rêve étrange et bouleversant. Mais tellement délicieux.
Elle cherchait pourtant à comprendre le sens de ce mot qu’elle venait d’entendre distinctement dans son oreille : « Accepte ».
Et tandis qu’elle se relevait, les jambes encore tremblantes de la jouissance qui l’avait secouée, son portable vibra. Un texto de son nouveau collègue.
« J’ai une invitation pour deux à un vernissage samedi soir, tu m’accompagnerais ? »
Elle balaya la pièce du regard en souriant, puis elle attrapa son téléphone pour envoyer sa réponse.