Je t’ai prise un peu après l’aube. Tu m’attendais sur ton balcon, le parasol posé sur ton épaule. En descendant les marches, il s’est ouvert malgré toi et tu as sauté les dernières marches avec une ombrelle au-dessus de ta tête, faisant une douche d’ombre à ta peau qui brillait. Il faisait très chaud, et en t’apercevant, j’ai senti mon sang bouillir sous ma peau.
On a fait la route jusqu’à la frontière dans le souffle de la musique. These boots are made for walking and that’s just what they’ll do. Dans l’horizon, l’asphalte était vaporeux et la carcasse brûlante de mon char cisaillait les kilomètres dans ta voix enjouée. One of these days these boots are gonna walk all over you. Chaque fois que j’embrayais, je laissais ma main glisser le long du bras de vitesse et j’effleurais ta cuisse. Ta voix ne fléchissait pas, mais ton sourire ne mentait pas.
On a atteint la frontière quand le soleil atteignait son zénith dans le ciel. La file était longue. Nos regards étaient fébriles, pleins d’excitation. Il y avait entre nous toute la charge qui nous tirait de l’un à l’autre, le souffle court qui faisait les joues rouges, les yeux ronds. Ta main se crispait sur la mienne, comme pour me dire que toi aussi, tu te demandais comment tu allais trouver le calme pour dire, dans une centaine de mètres : Rien à déclarer. Tu as allongé tes jambes sur le tableau de bord, en espérant qu’une pause décontractée te calmerait. Tes orteils ont accroché le bras des phares, le char pour un instant sur ses hautes. Stationné dans la chaleur, on avançait comme un métronome, mettant la frontière à échelle d’homme. Mon front perlait et me rinçait l’œil. J’avais soif.
On a vérifié nos passeports, cherché encore un peu notre souffle. Dans la vapeur qui se dégageait des carrosseries devant, il y avait l’horizon de l’océan. Bientôt une plage entière étendue. Tu te jetterais dans les vagues et il n’y a pas un pouce d’océan qui ne voudrait toucher ta peau. J’ai senti un souffle d’air chaud sur ma peau et en levant les yeux, j’ai vu une épaisse fumée s’échapper du capot.
J’ai coupé le moteur et on a poussé la voiture hors de la file, sous un immense garage servant à la pesée des camions lourds. On a ouvert le capot, pour la forme. On ne connaît rien aux chars. On s’est barbouillé un peu dans la mécanique. Tu avais de la suie qui tachait tes joues rouges et descendait jusque dans ton cou. Je ne sais pas comment t’as fait ton compte. J’ai frotté un peu ta joue du revers de la main. Avec la sueur de ton front j’ai caressé doucement ton menton, le dessous de tes yeux, l’arête de ton nez. Mes doigts ont glissé le long de ta mâchoire et j’ai pressé très doucement sous tes oreilles en suivant la courbe de ta tête. Ton front s’est laissé choir sur mon épaule. J’ai embrassé ton cou en laissant la pointe de ma langue traîner le long de ton cou jusqu’à ton épaule. Un mélange de sueur, de vanille et d’huile à moteur. Le goût de ta peau. Ta main s’est refermée sur le derrière de ma tête et ton regard s’est planté dans le mien. Tes lèvres goûtaient la rosée matinale et ta salive pétillait comme l’agrume. Ton autre main s’est fourrée dans mon pantalon. Sur la tôle du garage, comme venu de l’autre extrémité, un bruit.
On a enlevé nos mains de l’autre, retiré la fureur de nos corps. Un instant. Au loin, à travers la porte ouverte du garage : rien. Le bruit n’est pas revenu. On s’est souri et ta robe a glissé le long de toi par à-coups, profitant de la courbe de tes seins pour marquer un arrêt. Sur la pression de ton doigt, elle a filé sur la peau de ton ventre. Il n’a suffi que d’un petit coup de hanche pour qu’elle dénude tes cuisses et se couche à terre.
J’ai entendu ton passeport tomber de la ceinture de ton soutien-gorge et je ne savais plus quoi embrasser de ton ventre, de tes seins ou de cette petite peau de l’entrejambe qui est la chose la plus douce du monde. Tu posais tes mains sur moi, comme un drapeau américain sur la lune. Je flottais à la dérive dans tes caresses, ta bouche sensuelle, lente, cruelle sur mon pénis. Ta langue ruisselait le long de mes testicules, provoquant des secousses qui me chatouillait le bas-ventre. Je perdais conscience du monde dans la surcharge de mon souffle. Étourdi. Puis tu as laissé, dans un grand sourire, mon érection prête à passer aux aveux.
T’as mis tes fesses sur le pare-chocs et t’as repassé ta main dans mes cheveux. T’as dit : Ton tour. J’ai embrassé tes lèvres mouillées, qui rinçaient le goût de cambouis encore sur ma langue. Fille diluvienne. Ton clitoris bandé dans la chaleur, sucré de sève, excité comme une pluie de pollen dans le vent, et ma langue comme un poisson dans l’eau, une petite bête affamée, tendre mais acharnée. J’ai entendu tes ongles grincer sur le pare-chocs, senti tes lèvres gonfler sur les miennes, j’allais glisser mes doigts en toi quand on a entendu des pas au loin.
Ils venaient vers nous. Je me suis éloigné de toi dans un élan, en te remettant le sourire que tu m’avais offert plus tôt. J’ai remis mes bermudas, je t’ai lancé ta robe. On était barbouillés de cambouis, les joues rouges. Tu es restée cachée derrière le capot pour t’habiller, tandis que les pas s’approchaient de nous. Je suis sorti de la cachette en replaçant mes cheveux, pour intercepter l’officier et te donner quelques secondes de plus. Le gars m’a regardé, suspect : Is everything okay? J’ai regardé le moteur encore fumant, ta nuque noircie par la graisse et j’ai dit : We got highjacked by the weather, but we’ll be good to go. Le gars a mis ses mains sur ses hanches. Passport please. Je lui ai tendu le mien, tandis que tes mains fouillaient ton corps à sa recherche. Puis tu l’as aperçu, à terre, le coin dépassant de tes culottes.
Le douanier nous a fait un regard lourd de menaces, nous invitant à fermer le capot et à nous suivre. Tu as glissé tes culottes sous la voiture en tendant ton passeport à l’agent. Nos regards se sont croisés et il n’y avait en nous aucune peur. Simplement cette tension qui nous ne quitterait plus jusqu’à ce qu’à nouveau, la voiture dans l’accotement, nous pourrions retrouver nos corps. Qu’à nouveau, dans l’ondulation de ton corps et la charge de ton sexe, je retrouverais les vagues et le sel de l’océan. Enfin, le répit des vacances.
Article écrit par Yannick Marcoux
Une page blanche est, à l’instar d’un lit, un très grand terrain de jeux. Je m’y prélasse dans tous les genres, avec la plus grande excitation, butinant du roman à la poésie, en passant par la chronique et l’éditorial. Qui sait si un jour je ne me ferai pas des scénarios? En attendant, je vous offre quelques nouvelles érotiques, parce que c’est bon. Parce que j’aime ça.