« Et toi ? M’interrogea Caroline, ça remonte à quand ? »
Caroline avait un goût prononcé pour la narration d’aventures érotiques et si on la laissait faire, la conversation prenait souvent une tournure exclusivement sexuelle. Camille et Anna me regardaient avec un sourire en coin, satisfaites d’avoir échappé à la question et se demandant maintenant par quelle pirouette j’allais éviter de répondre. Mais cette fois-ci, j’avais bel et bien matière à raconter.
« C’était il y a quelques années et pourtant, je m’en souviens dans les moindre détails. »
Camille faillit renverser son café et Anna me regarda en souriant à pleines dents. Caroline attendait maintenant que je poursuive, plus impatiente qu’étonnée.
« C’était mon quatrième voyage à Tokyo de l’année et le charme n’opérait plus. Le vol interminable, les heures passées dans les aéroports, les métros… J’étais assommée par le décalage horaire et la perspective de tenter de convaincre une fois de plus des investisseurs japonais ne m’enchantait pas spécialement. La ville était recouverte de nuages sombres déversant une pluie chaude et poisseuse comme souvent les mois de juillet et cette chaleur moite me plongeait pour de bon dans la morosité. En regardant par la fenêtre du métro qui quittait l’aéroport pour m’emmener vers le centre et mon hôtel, je ne pouvais m’empêcher de penser à mes dernières vacances en amoureux six mois auparavant et qui s’étaient conclues par une séparation après sept années de vie commune. Je n’avais pas trouvé dans ces escapades à l’autre bout du monde le réconfort et le changement d’air attendus. En fait, c’était même le contraire. Dans ce métro aérien traversant la banlieue de Tokyo sous la pluie, je me sentais plus seule que jamais. »
Caroline remplit nos tasses de café, un tic qu’on lui connaissait toutes dès que le récit de l’une d’entre nous l’intéressait plus qu’à l’ordinaire.
« Lorsque je traversai finalement l’immense hall de l’hôtel à la hâte, pressée de pouvoir aller prendre une douche réparatrice après mes douze heures de vol et ma demi-heure de métro étouffant, je fus arrêtée par un jeune homme alors que j’atteignais le comptoir. Il me tendit un papier en m’expliquant que dans la grande salle de réunion de l’hôtel commençait une demi-heure plus tard une conférence donnée par un célèbre spécialiste japonais. Tous les clients de l’hôtel étaient conviés. Sans même jeter un œil au papier, je le glissai dans mon sac à main, remerciai poliment et me précipitai vers le comptoir pour obtenir le numéro de ma chambre et profiter enfin de cette douche salvatrice. »
Je bus machinalement une gorgée du café que m’avait servi Caroline. En racontant cette vieille histoire, les souvenirs réapparaissaient comme si elle s’était déroulée la veille et je sentais comme une douce chaleur dans le bassin.
« L’eau tiède coulait délicieusement le long de ma nuque et mes pensées sombres me quittaient enfin, comme emportées avec la saleté vers les égouts tokyoïtes. En savonnant chaque recoin de mon corps pour me débarrasser de l’odeur de l’avion, je repensai à nouveau à ma rupture six mois plus tôt, mais sans tristesse cette fois. Je réfléchissais à la dernière fois que mon corps avait éprouvé du plaisir, cherchant en vain un souvenir récent de sensualité.
Je terminai de me savonner, laissant mes doigts errer agréablement autour de mon intimité et je sortis finalement de la douche, satisfaite que des envies de plaisir recommencent à me titiller, signe qu’une nouvelle page pouvait enfin se tourner. Je m’allongeai nue sur le grand lit de ma chambre, apaisée par cette douche réparatrice. Les yeux fixés sur le plafond, le corps agréablement enfoncé dans les draps frais et moelleux, je ressentais soudainement le désir monter en moi. Ma main droite caressa avec douceur la peau sous mon nombril et descendit lentement vers mon sexe, parcourant ma toison encore humide de la douche. Mon index atteignit finalement la zone qui me démangeait et de douces vagues de chaleur que j’avais oubliées envahirent bientôt tout mon corps. Pour une raison que j’ignore, le jeune homme qui m’avait donné ce fascicule quelques minutes plus tôt dans le hall de l’hôtel vint faire son entrée dans mes rêveries érotiques éveillées. Je l’intégrais pleinement à mes caresses, imaginant son corps trembler de désir au dessus du mien, sa peau douce et parfumée se frotter à la mienne au rythme des va-et-vient de son sexe me transperçant avec puissance, nous entraînant lui et moi dans une spirale d’orgasmes infinis… Au bout de quelques minutes d’une douce montée extatique, je relâchai mon corps qui s’était courbé sous le plaisir et repris mon souffle calmement.
Tout en m’habillant, je repensais, amusée, à ce jeune homme pourtant anecdotique qui s’était immiscé dans mes songes de désir. Je pris le papier qu’il m’avait donné pour savoir de quoi traitait cette fameuse conférence, je lui devais bien cette attention. Je ne pus m’empêcher de laisser échapper un rire en constatant que le sujet était « Renouer avec le plaisir grâce aux conseils antiques des Geishas ». J’étais décidément dans un contexte propice à mes retours érotiques. Il était l’heure de déjeuner mais je n’avais pas encore faim et la priorité était de ne surtout pas succomber au sommeil afin d’éviter d’être décalée pour de bon dans ce croisement des fuseaux. Je descendais donc découvrir ce monde que j’ignorais, celui des Geishas.
La conférence avait déjà commencé. Un vieux Japonais, debout sur la petite estrade de la salle, expliquait avec énergie comment les Geishas procédaient pour muscler leur sexe. Un interprète traduisait heureusement en anglais les détails de cette gymnastique intime. Sans lui, je ne serais pas restée et je n’aurais jamais connu l’orgasme exceptionnel qui m’attendait. »
« C’est avec le type de la conférence que tu as eu cet orgasme spectaculaire ? »
L’impatience de Caroline m’amusait et je voyais bien que Camille et Anna s’efforçaient de dissimuler leur intérêt croissant. Je poursuivais sans relever la question de Caroline.
« A la fin de la conférence, le Japonais nous montra comment fonctionnaient les fameuses Boules de Geisha. Une paire de billes reliées par une gaine en silicone et dans lesquelles des billes plus petites se baladent, propageant ainsi des vibrations à l’origine des contractions du vagin et donc de l’effort musculaire. Il nous expliqua ainsi qu’il suffisait de porter ses petites boules magiques dans son sexe, sans rien faire d’autres que de se consacrer à ses occupations habituelles, en laissant les billes faire leur travail. Ces vibrations spontanées pouvaient alors être à l’origine de plaisirs incomparables. Il termina la conférence en nous expliquant qu’il avait l’habitude de tirer au sort une femme dans l’assemblée afin de lui offrir des Boules de Geisha. Il s’adressa ensuite directement à moi avec un petit sourire malicieux et me félicita d’être la gagnante du jour. Comme je cherchais à la fois à dissimuler ma gêne et à comprendre pourquoi il me les offrait à moi, je constatai rapidement ce qui me valait ce traitement de faveur : sur la petite quinzaine de spectateurs, j’étais la seule femme.
La boite était posée sur le lit. J’étais remontée aussitôt mon cadeau dans les mains, rouge de honte. J’étais à la fois en colère contre ce vieux Japonais qui m’avait mis dans une situation plus qu’embarrassante et en même temps très excitée à l’idée de mettre à profit ses conseils d’utilisation de ces boules antiques. Après m’être calmée et avoir repris un teint probablement moins pivoine, j’ouvris la petite boite afin de les étudier de plus près. Les deux billes étaient en plastique d’un noir intense, reliées par une gaine en silicone et un petit cordon servant à leur extraction dépassait en leur extrémité. Comme j’étais ce soir-là d’une humeur propice au voyage érotique, je sortis les boules de leur boite, les lavai abondamment à l’eau chaude, m’allongeai sur le lit et les insérai sans attendre. A ma grande surprise, les deux boules se mirent parfaitement en place. Un petit frisson m’avait parcourue au moment de faire passer la seconde boule et je sentais mon corps particulièrement réceptif à toute forme de plaisir.
Puisque le vieillard avait conseillé de les porter tout en se consacrant à ses activités, je me relevai afin de partir à la recherche d’un déjeuner, car il était déjà seize heures. Au moment où mon corps se redressa, une légère décharge agréable secoua mon entrejambe. À chaque pas un peu vif, une vague de plaisir toujours un peu plus grande parcourait mon bassin. Il était déraisonnable de sortir dans ces conditions, avec ces délicieuses petites boules entre les jambes, mais le plaisir était trop grand et l’aventure extérieure ajoutait encore à mon excitation. J’avançais donc dans les couloirs de l’hôtel, grisée par cette virée érotique, en adoptant petit à petit une démarche qui me permette d’avancer sans être stoppée à chaque enjambée.
J’ignore si c’était à cause de six mois d’un silence érotique soudainement éveillé ou de l’aventure intime nouvelle que j’expérimentais, mais à chaque petite secousse, j’étais traversée par un éclair de plaisir toujours plus exceptionnel et qui m’empêcha bientôt de marcher normalement. J’avançais tant bien que mal dans le couloir pour rejoindre l’ascenseur et je croisai un client qui me salua poliment avant de rentrer dans sa chambre. Au moment où la porte claqua derrière lui, j’avais beau être à plusieurs mètres, je faillis perdre l’équilibre, saisie par la fulgurance du plaisir. Arrivée enfin à l’ascenseur, je me calais dans un coin en serrant les jambes pour tenter d’empêcher les boules de vibrer, mais au moment où la machine se mit en marche vers le rez-de-chaussée, la secousse de la cabine que j’aurais habituellement à peine ressentie fit valser les billes à l’intérieur de moi et je ne pus retenir un cri. La descente des 9 étages fut un calvaire délicieux car les billes vibraient en moi sans arrêt.
Même si leur déplacement était infime, je sentais le moindre de leur mouvement venir irradier mon bassin. En sortant de l’ascenseur, mes jambes flageolantes ne parvenaient presque plus à me soutenir. Je traversai le hall interminable, avec pour unique idée de me retrouver au plus vite dans la rue où je pourrais plus facilement laisser aller mon plaisir. Mais chaque fois qu’une personne venait fouler le sol trop près de moi ou qu’une valise roulait près de mes jambes, les vibrations ralentissaient ma marche et je devais mordre ma lèvre inférieure jusqu’au sang pour ne pas hurler le plaisir qui me traversait. Chacun de mes membres tremblaient et les vagues de plaisir incessantes et toujours plus intenses me tournaient la tête. »
Mes trois amies m’observaient maintenant en silence, envieuses et intriguées à la fois par le récit de ces extases hors du commun. Je me sentais moi-même haletante et transpirante, revivant chacune de ces vibrations qui m’avaient transportée. Je repris mon souffle avant de terminer mon histoire.
« Je croisai le jeune homme au fascicule qui me salua poliment et je baissai aussitôt la tête, rouge de chaleur, de plaisir, de honte, d’ivresse et de ne pouvoir hurler mon extase. J’accélérai mon pas chancelant en priant pour qu’il me croie grossière plutôt que mortifiée par une jouissance indécente. J’atteignais enfin le trottoir, quittant la climatisation de l’hôtel et ce spectateur embarrassant pour retrouver la chaleur moite de la saison. Sous ma robe estivale fine j’étais en nage et ma culotte n’était plus qu’un tissu humide trempée par l’excitation. La moindre infime vibration continuait de chambouler les boules de geisha dans mon intimité gonflée par ce plaisir rageur inouï. Les bruits de la ville en ce milieu d’après midi me permettaient de laisser échapper les soupirs sonores que je ne pouvais désormais plus retenir. J’errais les yeux à moitié ouverts, embués par les larmes, chaque voiture qui passait provoquait un spasme extatique et le métro grondant en sous terrain me forçait à stopper ma marche et à me tenir le bassin. Le tourbillon incessant de la ville continuait de faire monter mon plaisir.
Je ne distinguais maintenant plus que des tâches de couleur, les larmes ne cessant de couler, et mon corps tremblant de plaisir s’enfonçait lentement dans un tournis extatique vertigineux. Je m’asseyais sur un banc pour ne pas tomber et pour tenter de retarder le moment où il me faudrait hurler pour laisser s’échapper l’apothéose que je continuais encore vainement de retenir. Assise sur mon banc, soumise à la plus infime des vibrations et envahie par un bonheur sans nom à chacune d’elle, je crus à cet instant que j’avais atteint le point de non retour du plaisir, le sommet du septième ciel, le pic ultime de l’extase. Ce plaisir indicible inimaginable, je ne l’avais pourtant même pas encore effleuré. Je l’ignorais encore, mais à cet instant où je croyais le plaisir procuré par mes boules de geisha parvenu à son maximum, il n’était encore que 16H29 en ce 23 juillet 2005, et il me faudrait attendre 16H30 précisément pour connaître l’extase infinie, car c’est à cette minute précise que la ville de Tokyo connaîtrait l’un des séismes les plus importants de son histoire. »
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