La dentelle noire claqua comme une gifle sur ma peau d’opaline. J’adore ces instants précieux, quand, à la douce lumière de quelques candélabres tourmentés, je me livre à la caresse soyeuse de ce second épiderme qui glisse le long de mes mollets puis de mes jambes, jusques en haut des cuisses.
C’est un rituel auquel je m’abandonne la plupart du temps, quand je n’ai pas à crapahuter sur une scène de faits divers ou travailler à un article susceptible de m’entraîner sur des sentes boueuses ou escarpées.
Ce jour-là, j’avais à m’entretenir avec la directrice d’un théâtre municipal à l’occasion de la renaissance de ce dernier. Il s’agissait d’une vieille bâtisse dite à l’italienne qui, après une série de lourds travaux, s’apprêtait à lever le rideau pour la première fois depuis trois ans sur une pièce baroque au modernisme assumé. Je pouvais donc laisser ma féminité s’exprimer, n’ayant à affronter que trottoirs et escaliers !
J’examinai l’effet dans le miroir légèrement piqué, une antique psyché de style rococo. Il me renvoya l’image d’une femme menue, encore jeune, aux cheveux de ce blond cendré qu’Apollinaire disait n’appartenir qu’aux parisiennes, aux seins ornés de larges aréoles rose bonbon. Mes yeux parcoururent le ventre légèrement bombé, la courbure de mes hanches, le galbe des jambes délicates gaînées de bas noirs.
Satisfaite, je me saisis de mon flacon de parfum. Après m’être vaporisée sur le poignet ma fragrance préférée, celle qu’avait adoptée la divine Marilyn pour accompagner Morphée, je fis mienne, comme souvent, la devise de Coco Chanel, « Parfumez-vous là où vous souhaitez être embrassée ».
J’appliquai mon poignet légèrement humide sur mes tempes et derrière le lobe des oreilles, là où les lèvres peuvent à la fois cajoler la peau et les cheveux, entre les seins où la langue est prompte à s’émouvoir. Je fis couler une goutte coquine au creux des reins puis sur le nombril, et une dernière sur mon pubis épilé, juste pour le plaisir.
Comme à chaque fois, ce petit cérémonial m’avait chauffé les sens et je me serais bien abandonnée à quelques caresses plus poussées si je n’avais craint d’arriver en retard à mon rendez-vous.
– Votre visage me dit quelque-chose. On ne se serait pas déjà rencontrées ?
D’ordinaire, ce sont les hommes qui me la font ! Cette fois, c’était une grande femme aux yeux charbonneux, aux cheveux bientôt gris ramenés en un chignon lâche, à la poitrine exquise. Annie Branton, directrice et programmatrice de l’établissement, tendait vers moi des fesses tentatrices que moulait une jupe orangée tandis qu’elle s’affairait sur la machine à café qui trônait à droite de son bureau.
– Je ne pense pas, non, je m’en rappellerais.
Elle se retourna, me tendit une tasse, tout sourire, puis s’assit derrière son bureau. Un ras soleil d’automne éclairait la pièce. Nous reprîmes l’entretien.
J’appris ainsi que ce théâtre avait été érigé au milieu du XIXème siècle sur un ancien terrain vague. Les travaux de terrassement avaient révélé l’existence dans le sous-sol d’une cité gallo-romaine et c’est sur des échoppes et des caves deux fois millénaires que reposait le bâtiment.
– J’ai trouvé ! C’est extraordinaire ! s’exclama-t-elle soudain, me faisant sursauter. Elle propulsa son fauteuil à roulettes vers la bibliothèque que supportaient des dizaines de dos de cuir. « Ce sont nos archives depuis la première représentation » m’expliqua-t-elle pendant qu’elle farfouillait dans ces annales théâtrales. Elle se saisit d’un ouvrage, le feuilleta, fébrile, puis en retira un autre. « Je l’ai ! Tenez ! ».
Triomphante, elle me tendit le volume relié de cuir.
Une bouffée d’un parfum étrange, mélange d’exhalaisons de fleurs séchées, de verveine et de menthe me sauta au visage.
Sur une pleine page, mon portrait en noir et blanc m’observait, une lueur ironique dans les yeux que l’on devinait clairs, comme les miens.
J’en fus passablement ébranlée. Née sous X, j’avais poussé à la manière d’une herbe folle en familles d’accueil, sur un terreau fragile pétri d’amour incertain et de non-dits empesés. J’ignorai tout de mes origines et ce visage qui m’apparut comme le mien, ne manqua pas de faire naître en moi des millions d’hypothèses quant à mes origines.
La jeune femme était en tout point semblable à moi, peut-être un peu plus ronde, le cheveu tiré en arrière. « Qui est-ce ? » parvins-je à balbutier, hypnotisée.
– On la connaissait sous le nom de Danaé, répondit Annie. « Elle était comédienne, mais c’était également l’épouse de mon prédécesseur au tout début du XXème siècle. Elle est l’héroïne d’une étrange histoire. Danaé avait repris le rôle d’Albine dans la pièce d’Alfred Bruneau, tirée de l’œuvre d’Émile Zola, La faute de l’abbé Mouret. C’était en 1907. »
Je connaissais ce roman de Zola, le seul qui ne m’ait pas ennuyée, et qui se clôt par le suicide de l’héroïne, amoureuse d’un prêtre, « sous le plafond étouffant des fleurs. »
– Il n’y eut qu’une unique représentation sur cette scène, souligna Annie. « La première et dernière fut un triomphe. L’ultime scène du suicide au milieu des fleurs avait tiré des larmes aux critiques les plus retors. C’est ce soir-là que Danaé disparut à jamais. »
Je ne pouvais détacher le regard de cette femme de papier qui ressemblait en tout point à la description qu’en avait faite Zola, « blonde, pas trop grande, l’air d’une bohémienne endimanchée, sauvage avec une pointe de mystérieux. »
Et qui me renvoyait ma propre image. À cent-dix ans de distance.
J’avais quelque peine à articuler.
– Et on ne sait pas ce qui lui est arrivé ?
Annie secoua la tête.
– Évaporée ! Tout comme l’un des curés de la ville ! Très vite, il ne fit aucun doute que les deux faits étaient liés et que Danaé s’était enfuie avec le fringuant père Delcourt. La réalité avait rejoint la fiction. Mon prédécesseur éleva seul leur fille jusqu’à sa mort à Arras en 1917.
J’étais en train de digérer ce que je venais d’apprendre quand je sentis deux mains aux longs doigts fins se poser sur mes épaules et entamer un lent massage.
– Je vous sens troublée. J’aurais dû m’en tenir aux raisons de votre présence ici !
Je sentis le nez d’Annie effleurer mes cheveux, humer ma peau. « Pardonnez-moi. » Je me laissai aller en arrière. Le fauteuil grinça. Dans le mouvement, ma jupe remonta sur ma cuisse, dévoilant un filet de dentelle d’ébène et un espace de peau laiteuse.
Je sentis les doigts d’Annie glisser le long de mon cou, courir sur ma poitrine pour écarter le léger décolleté de soie sauvage. Ses mains m’enrobèrent avec la douceur dont seule une femme est capable, soupesèrent mes seins dont les pointes s’érigèrent sous la caresse insistante.
L’instant d’après, Annie était agenouillée entre mes cuisses, faisait glisser ma jupe et ma culotte le long de mes jambes gaînées.
Elle resta un long moment en contemplation devant ma fente épilée, poussa un soupir d’admiration à la vue sans doute de mon clitoris proéminent, puis elle tenta délicatement de m’écarter les fesses. Je changeai de position pour l’y aider, m’avançant sur mon fauteuil.
Je tendis les jambes du mieux que je pus et posai les talons de mes escarpins sur le bureau.
Je sentais le souffle chaud et court de la femme sur mon sexe en perdition. Les yeux fermés j’imaginais les siens, grands ouverts, découvrant ce décor où les roses et les bruns pâles composaient un délicat tableau dédié à l’amour.
Un doigt téméraire s’aventura entre mes fesses et se posa sur l’anneau des reins aux plis tentateurs, puis deux lèvres humides vinrent embrasser les miennes qui s’embrasèrent aussitôt.
Je ne percevais que ses cheveux gris remontés en chignon et, de temps à autre, ses grands yeux bruns qui se levaient vers moi, guettant mes réactions, tandis que sa langue allait et venait dans mes chairs. Un filet de rosée coulait de mon ventre offert, le majeur d’Annie s’en empara, s’en vêtit et elle écarta mon diaphragme le plus intime, s’insinuant à tâtons entre mes muqueuses qui, après quelques secondes d’une résistance feinte, l’accompagnèrent dans ses mouvements presque hésitants.
Oubliant toute pudeur, je pris mes fesses à pleines mains, les écartant au mieux, m’offrant sans vergogne au doigt, à la langue, aux lèvres, aux yeux même qui me fouillaient ainsi. Annie m’en sut gré qui, perdant toute retenue, enfonça son visage entre mes jambes, me lapant, me suçant, m’écartelant, faisant rouler mon clitoris sous sa gangue de chair gonflée.
Je sentais des ondes de plaisir parcourir mon corps, j’aurais voulu que cette langue qui me fouillait, ce doigt qui m’écartait, ses yeux qui me dévoraient, jamais ne se retirent.
Je repoussai soudain mon interlocutrice, avide également de son corps. Je la coinçai contre la table et à mon tour lui ôtai, fébrile, le carré de tissu couleur de levant et le triangle de dentelle blanche qui dissimulaient son intimité. Je découvris, fiévreuse, un magnifique triangle de poils gris qui s’effaçait soudain juste au-dessus d’un con glabre aux longues lèvres dentelées et au rostre minuscule, qui sans doute, n’attendait qu’une caresse pour se révéler.
– Vous êtes superbe, murmurai-je en me jetant, bouche entrouverte sur ses lèvres intimes, pressée d’en goûter les saveurs, impatiente d’en humer les fragrances profondes.
Elle avait dû parer l’intérieur de ses cuisses de quelques gouttes de ce merveilleux parfum synonyme de mystère en japonais, j’en reconnus les effluves chyprés, les senteurs veloutées aux subtils accents de bergamote, de rose et de pêche. Je m’enivrai de cette odeur artificielle qui se mêlait à celle, plus subtile, des parfums intimes d’Annie et d’une légère note de sueur qui m’affola.
J’écartai les ultimes remparts de son sexe, pour m’en aller cueillir une rosée aux sensuelles amertumes qui me piquèrent la langue. Mon nez se fondait dans sa toison tandis que ma langue prenait d’assaut sa vulve, la fouillait, l’explorait, lui tirant de sourds gémissements.
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Article écrit par Nelly Berteen
Auteure multi-genres, entre ésotérisme et érotisme, thriller et polar, Nelly Berteen est journaliste de presse écrite. Passionnée de sciences occultes et de paranormal, bibliophile, collectionneuse d’ouvrages qui voici quelques siècles l’auraient conduite au bûcher, elle met sa plume au service d’enquêtes aux confins du surnaturel.
Elle s’attache également à faire connaître des auteurs et auteures qui évoluent dans ses domaines de prédilection.
Parce que l’écriture n’est pas une souffrance, bien au contraire!