Il y a des jours qui vous semblent parfaitement insignifiants sur le coup. C’est seulement un peu après que vous réalisez ce qui s’y est vraiment joué. C’est ce qui s’est passé lorsque je l’ai rencontrée. C’était un jour d’été très chaud à Madrid où je travaillais comme professeure d’anglais dans une école de langues. Ce jour-là, je remplaçais une collègue et surveillais un examen de fin d’année pour une classe d’étudiants de l’université.
Seulement une demi-heure après le début de l’épreuve, une jeune fille brune aux cheveux courts au fond de la salle a levé la main. Je me suis dirigée vers elle afin de voir ce qu’elle voulait alors qu’elle me fixait de ses yeux noirs et pénétrants.
« J’ai terminé », murmura-t-elle en désignant sa copie d’examen.
« Déjà ? Tu es sûre ? Tu ne veux pas profiter du temps restant pour te relire ? »
« Pas besoin » répondit-elle avec toute l’assurance du monde dans la voix et croisa les bras. Son langage corporel m’indiquait qu’il ne servait à rien d’insister. J’ai attrapé sa copie et suis retournée à mon bureau er regardais ses réponses. Je vis qu’elle avait bien répondu à presque toutes les questions.
Je ne pensais à rien de particulier sur le moment. Elle était une élève parmi les autres. Je ne pouvais imaginer ce jour-là que, plusieurs années après, nous nous rencontrerions à nouveau dans une autre salle de classe. Mais cette fois-ci, elle serait le professeur et moi son apprentie docile.
Ce cours s’est tenu 7 ans plus tard. Je vivais alors à Barcelone. C’était une époque où coucher avec une femme était n°1 sur la liste de mes fantasmes, bien que la protagoniste de ces rêveries saphiques n’ait ni nom ni visage.
Cela avait été un long processus : ce désir s’était construit graduellement au fil des années. Il avait commencé lorsqu’adolescente, j’étudiais le dessin et que je croquais des modèles vivants nus. J’avais plus tard embrassé des amies à l’Université. Cela ne voulait pas dire grand-chose. Cela arrivait lorsque nous nous faisions draguer par des garçons en boîte de nuit alors que nous avions seulement envie de danser. Nous avions pris l’habitude de leur dire que nous étions lesbiennes et nous nous embrassions alors fougueusement, espérant qu’ils nous laisseraient tranquilles. Cela avait bien souvent l’effet inverse.
Ma supposée bi-sexualité ne devint concrète que lorsque je découvris la célèbre série « The L Word » qui met des lesbiennes en scène. J’ai adoré cette série. Pour la première fois de ma vie, je décidai qu’il était grand temps de transformer ces fantasmes en réalité.
Je me crééai donc un profile sur différents sites de rencontre lesbiens mais les seuls messages que je recevais étaient ceux de garçons ou de filles qui avaient déjà un copain et qui recherchaient quelqu’un pour un plan à trois. Ça ne m’intéressait pas du tout. Ce que je voulais, c’était un plan à deux. Parfois, il m’arrivait d’échanger avec d’autres filles comme moi et nous partagions nos fantasmes. Lorsqu’elles me proposaient de nous rencontrer, je prenais peur et notre conversation s’arrêtait tout net.
Après ces épisodes, j’en arrivais à la conclusion selon laquelle, il était plus facile pour moi d’être satisfaite sexuellement avec les hommes. Poursuivre le désir de coucher avec une femme me semblait si frustrant et impossible que je finis par mettre de côté mes fantasmes lesbiens. Jusqu’au jour où, de façon totalement inattendue, je reçus une demande d’ami sur Facebook. Qui bouleversa ma vie.
Si le nom ne me disait rien, la photo de profil me semblait vaguement familière. Je n’arrivais pourtant pas à me souvenir d’où je connaissais cette personne. Je pris le risque d’accepter sa demande. Un peu plus tard, en détaillant son profil, je la reconnus soudainement. C’était elle. La jeune fille de l’examen surveillé à Madrid plusieurs années plus tôt. A cette époque, elle n’était qu’une élève parmi les autres. A voir son apparence actuelle : androgyne avec des cheveux courts et de nombreux piercings… je ne pus m’empêcher de la désirer très fort.
J’avais déjà un penchant pour les femmes androgynes. Elle était parfaitement à mon goût. Et le meilleur dans tout ça était que sur chacune de ses photos, elle tenait toujours dans ses bras des femmes féminines. Elle assumait très clairement sa sexualité. En lisant sa présentation sur son profile, mes soupçons furent confirmés : elle était bien lesbienne.
« Tu ne te souviens pas de moi, n’est-ce-pas ? » m’écrivit-elle sur la messagerie Facebook.
« Si si, je me souviens de toi. Comment vas-tu ? lui répondis-je immédiatement.
Nous rattrapions le temps perdu bien que nous n’ayons jamais vraiment parlé de toute notre vie. Elle m’apprit qu’elle était en Master à Madrid et qu’elle avait souri en apprenant que j’étais devenue une blogueuse sexe. Un grand changement après avoir été professeure d’anglais.
Nous avons commencé à nous parler tous les jours, sur Facebook, Skype et WhatsApp comme si nous étions un couple virtuel. Je n’en revenais pas : elle cochait toutes mes attentes saphiques. Je me mis à penser à elle en me masturbant : la protagoniste de mes fantasmes lesbiens avait à présent un nom et un visage.
« Je peux t’avouer un truc ? » m’écrivit-elle un soir sur Facebook alors que je m’apprêtais à sortir dîner avec quelques amis.
« Bien sûr », lui répondis-je.
« Tu sais, lorsque tu étais prof d’anglais, j’étais folle de toi… »
Je sentis un afflux massif de papillons dans mon ventre à la lecture de ses mots mais je ne savais pas comment lui répondre. Je ne pensais rien de spécial à son sujet lorsque nous étions à Madrid, même si à présent les choses étaient bien différentes. De plus, savoir qu’elle m’aimait bien depuis si longtemps avait encore renforcé mon désir pour elle.
Malgré cela, j’étais dans l’incapacité de lui répondre. J’ai quitté le chat sans lui répondre et je suis sortie. Avec l’aide des quelques verres avalés pendant la soirée, aussitôt rentrée chez moi, j’ai allumé mon ordinateur pour lui envoyer ce message sur Facebook :
« Je ne tiens plus. Est-ce que tu veux venir me voir à Barcelone ? »
Le jour suivant, nous commencions à regarder les dates comme si les « déclarations » de la veille n’avaient pas existé. C’est seulement une fois assise dans le train qui me conduisait à l’aéroport que je réalisais ce que j’étais en train de faire. J’avais invité une lesbienne qui avait été mon étudiante une après-midi 7 ans plus tôt à passer un week-end entier chez moi alors que je n’avais eu la moindre expérience homosexuelle de toute ma vie ! Quelle folie !
En arrivant à l’aéroport, j’ai paniqué en voyant que son avion avait atterri. Je me demandais ce qui arriverait si je ne l’aimais pas… Mais lorsque les portes des arrivées se sont ouvertes et que je l’ai vue marcher vers moi, j’ai ressenti un mélange de soulagement et de désir. Elle me plaisait vraiment.
Elle était plus petite mais plus forte que moi. Je ne pouvais m’empêcher de la déshabiller mentalement alors que nous nous tenions au milieu du hall des arrivées. Nous nous sommes saluées en nous faisant la bise et je remarquai la douceur de sa peau sur la mienne et son parfum sucré. Après cette bise, je la sentis froide et distante.
Dans le train du retour, je lui parlais de toutes les choses que j’avais prévues pour le week-end. Pas seulement pour briser la glace mais aussi parce que j’avais envie de lui faire découvrir Barcelone qu’elle visitait pour la première fois. J’avais pensé lui montrer les principales attractions touristiques et lui proposer une balade le long de la mer. Au lieu de se montrer pleine d’enthousiasme, elle se renfrogna.
« Est-ce que ça t’ennuie si on ne sort pas ce soir ? Je suis fatiguée du voyage » me dit-elle.
« Pas de problème. Je peux te préparer un plat végétarien si tu veux. »
« J’adore les femmes qui cuisinent » me dit-elle en souriant.
Ma nervosité monta encore d’un cran lorsque nous arrivâmes chez moi. En dépit de nos échanges quotidiens par écrans interposés avant notre rencontre, établir une conversation avec elle s’avérait incroyablement compliqué. Nous étions comme le jour et la nuit et ne semblions d’accord sur rien. Il semblait de plus en plus évident que notre seul point commun était notre désir de partager nos fantasmes : le sien était de séduire une ancienne prof ; le mien de coucher avec une femme pour la première fois.
L’atmosphère était tendue, les silences malaisants. Je me demandais comment tout cela allait évoluer. Étant donné mon inexpérience, j’attendais d’elle qu’elle fasse le premier pas… et j’avais conscience que le jean que je portais allait être un obstacle lorsque le grand moment arriverait. Je décidais de me changer après avoir nettoyé la table.
« Je vais me changer » lui dis-je.
« Qu’est-ce que tu vas mettre ? » me demanda-t-elle depuis le canapé.
« Je ne sais pas, quelque chose de plus confortable… »
« N’enfile pas un jogging. J’aime les femmes féminines. »
« Je sais. »
J’allais dans ma chambre et enfilais une robe de coton noire, sans mettre de soutien-gorge et revins dans le salon où je m’assis sur le canapé à côté d’elle.
« Ferme les yeux » me dit-elle en me regardant intensément. Je fis ce qu’elle me demandait et tout d’un coup je me sentis encore plus nerveuse ? notamment lorsque je sentis son souffle sur ma joue. J’en déduisis que ses lèvres n’étaient plus qu’à quelques millimètres des miennes.
« Tu peux rouvrir les yeux à présent » me dit-elle. J’ouvris les yeux, confuse et un peu déçue, parce que j’avais espéré qu’elle m’embrasse. Il y eut un nouveau moment de silence embarrassé puis elle se rapprocha de moi et me regarda droit dans les yeux, la bouche entre-ouverte.
« Tu es très proche… » lui dis-je en flirtant.
Elle soupira et se jeta soudain sur moi pour m’embrasser enfin. Mon cœur battait à tout rompre et je lui rendis son baiser avec le même enthousiasme. Ses lèvres étaient douces et je pensais que ce n’était pas la première fois que j’embrassais une femme. C’était pourtant la première fois que je le faisais avec autant de passion et de désir. Je la tenais serrée dans mes bras, pressant ses seins contre les miens. Je sentis alors une pulsation entre mes jambes en imaginant les voir et pouvoir les toucher.
Elle me poussa dans le fond du canapé et se mit sur moi. A présent, c’était elle le professeur, elle menait la danse et j’étais sur le point de passer un examen d’une matière dont je ne connaissais rien. J’étais complètement en dehors de ma zone de confort et rien de ce que j’avais déjà expérimenté d’un point de vue sexuel jusqu’à présent ne me semblait utile. Je n’avais jamais rien vécu de tel. C’était comme si je m’apprêtais à perdre ma virginité une seconde fois.
Je posais mes mains sur ses hanches et pressais son corps contre le mien. Elle fit glisser sa main de mes cuisses à mon ventre puis à mes seins. De l’autre, elle fit rapidement glisser ma robe et commença à embrasser mes seins tout doucement. Elle m’aida à lui retirer son t-shirt, enleva son soutien-gorge par la même occasion et les jeta tous les deux sur le sol.
Je laissai échapper un soupir lorsque je découvris ses seins parfaits : ils étaient plus fermes et plus gros que les mien. J’aurais pu passer des heures et des heures à les admirer et à les caresser. Mais je découvris ensuite la sensation merveilleuse de sentir ses seins nus contre les miens. Nous soupirions toutes les deux de plaisir. Nous n’avions plus que nos parties du bas à nous dévoiler.
Elle retira ma culotte et j’entrepris de défaire le bouton de son jean. Elle me donna un coup de main et enleva sa culotte en même temps. Tout d’un coup, nous étions totalement nues. Nous nous sommes embrassées à nouveau, nous tenant dans les bras tandis que ses mains exploraient mon corps. Je caressais son corps, appréciant la douceur de ses courbes et de sa peau.
J’avais du mal à croire ce qui était en train de se passer. Les sensations dépassaient totalement mes attentes. Elle était androgyne lorsqu’elle était habillée mais hyper féminine une fois nue. Le contraste de sa peau foncée contre ma peau blanche augmenta mon excitation. J’avais du mal à réaliser la chance qui était la mienne et je remerciais le hasard, plus précisément Facebook, de nous avoir permis de nous retrouver après toutes ces années.
Elle plaça ses mains entre mes cuisses et je ressentis un énorme soulagement de sentir les doigts délicats et connaisseurs d’une femme sur mon clitoris. Je soupirai de plaisir et glissai mes mains entre ses cuisses : c’était doux et déjà trempé. J’avais envie d’y laisser ma main pour un moment afin de m’habituer à ces sensations nouvelles. Alors que j’étais très excitée, je n’arrivais pas à mouiller. Je n’avais pas d’ordinaire de problème de lubrification. Pourquoi maintenant ?
« Que se passe-t-il ? Tu n’as pas envie ? » me demanda-t-elle en remarquant ma sécheresse, les yeux chargés de déception.
J’étais incroyablement excitée. J’avais répété ce scénario tellement de fois de ma tête. Le vivre était beaucoup plus fort que ce que je m’étais imaginé. Tendue et nerveuse, j’expérimentais une sorte d’impuissance féminine.
« Tu m’excites tellement. Si seulement tu savais à quel point… Je ne sais pas ce qui m’arrive, je suis désolée » lui murmurai-je à l’oreille, en espérant la rassurer. Je ne voulais pas qu’elle puisse penser que je n’appréciais pas ce moment, car il dépassait mes espérances en tous points.
« Ne t’inquiète pas. Je produis assez de lubrifiant pour nous deux » me dit-elle. Elle se mit à frotter sa vulve trempée contre la mienne. Je soupirai de plaisir en sentant nos lèvres connectées et la chaleur des siennes alors qu’elle me lubrifiait de son nectar abondant. En quelques secondes, elle commença à gémir et je sentis des papillons dans mon estomac en observant les spasmes orgasmiques que la secouaient alors qu’elle frottait frénétiquement sa vulve contre la mienne. Étonnamment, je ressentis un énorme sentiment de satisfaction sans avoir le besoin de connaître moi-même un orgasme.
Elle s’écroula sur moi, épuisée. Elle n’était plus à présent la fille un peu distante et froide de tout à l’heure. Elle était délicate et vulnérable. Je la tins serrée contre moi, les yeux rivés au plafond en essayant de réaliser ce qui venait de se passer et en désirant plus. Beaucoup plus.
Ceci n’était que le début de notre histoire.
* La suite la semaine prochaine.
** Cette nouvelle a été rédigée en anglais par Venus O’Hara puis traduite. Pour la découvrir dans sa version originale, c’est par ici.