Lorsque je regarde mes pieds, je ne vois aucune beauté. Je vois un pied large avec des orteils courts, gras et roses.
Trouver la bonne paire de sandales pour l’été est toujours un cauchemar. Je transpire pas mal des pieds et je ne peux pas porter de talons. J’ai appris à mes dépends que confort, mode et beauté ne vont pas toujours de pair.
Je me souviens d’une fois où un collègue m’avait dit qu’avec les pieds que j’avais il était vraiment nécessaire de mettre du vernis à ongles. Je me souviens m’être sentie blessée et vexée. J’étais déjà assez complexée par mes pieds. Je n’avais pas besoin que quelqu’un d’autre me fasse remarquer mes imperfections.
À l’époque où j’étais mannequin fétichiste, j’étais prête à explorer n’importe quel kink sur le plan photographique, à l’exception du fétichisme des pieds. Qui aurait bien pu être excité par mes pieds ? me demandais-je.
Les choses ont commencé à changer lorsque j’ai rencontré un photographe fétichiste lors d’une soirée kink. Il se décrivait comme un chatouilleur professionnel. Il aimait beaucoup les pieds, les chatouilles et la photographie – parfois tout cela en même temps. Il m’a dit qu’il aimerait beaucoup photographier mes pieds. Je dois avouer que j’ai été surprise et un peu gênée lorsqu’il a regardé mes pieds dans mes spartiates pendant notre conversation.
Je lui ai avoué que je détestais mes pieds.
« Mais pourquoi ? Vous avez de beaux pieds », m’a-t-il répondu. Je me demandais s’il était aveugle.
« Laissez-moi vous montrer à quel point ils sont beaux. » Il me mettait au défi. « Je vais les photographier et je vous garantis que vous allez adorer les photos. Et je n’aurai pas besoin d’utiliser Photoshop non plus », a-t-il déclaré avec assurance.
J’étais flattée mais pas convaincue. Malgré ma honte podale, j’étais prête à essayer quelque chose de nouveau et nous avons donc programmé une séance photo la semaine suivante. Je me suis rendue à son studio un mardi matin. Il était joyeux et enthousiaste et m’assurai qu’il avait vraiment hâte de me photographier. Je n’en revenais toujours pas.
Après avoir échangé quelques plaisanteries autour d’un café, nous sommes entrés dans le vif du sujet. Il m’a indiqué une chaise sur laquelle je devais m’asseoir et un tabouret qui devait soutenir mes pieds. Je me suis assise sur la chaise, j’ai enlevé mes chaussures et mes chaussettes et j’ai tendu mes jambes devant moi, en m’appuyant sur le tabouret. Il m’a ensuite attaché les chevilles avec une cravate d’affaires. C’était agréable, d’une manière un peu primitive.
« Est-ce que je peux vous bander les yeux ? Je ne veux pas que vous voyiez mes outils. »
Ses outils ? De quoi diable voulait-il parler ? Je décidai de ne pas y penser et j’ai simplement acquiescé.
Une fois mes chevilles attachées et mes yeux bandés, je me suis soudain sentie à sa merci. Je me sentais passive, ce qui était une bénédiction pour quelqu’un comme moi qui se targue d’être une femme indépendante. A présent, je n’avais plus besoin de réfléchir. Tout ce que j’avais à faire, c’était réagir. Quel soulagement !
J’étais assise en silence lorsque j’ai entendu les clics du photographe qui installait sa caméra et ses lumières.
« Et voilà, je suis prêt. Est-ce-que vous êtes prête ? »
Dès qu’il a effleuré la voûte de mon pied gauche, c’est mon corps tout entier qui a réagi. Mes genoux se sont pliés, j’ai arqué la plante de mes pieds et j’ai rejeté la tête en arrière en hurlant et en couinant comme une folle. Je n’arrivais pas à croire qu’un geste aussi petit et subtil puisse provoquer une réaction aussi forte.
Habituellement, lorsque je posais pour des photos, j’étais consciente de mon sourire – ou de ma moue – en fonction de l’humeur et de la position du corps. Là, je n’ai pas eu le temps de réfléchir à mon apparence. J’étais vraiment dans l’instant.
Je n’avais pas l’habitude qu’on me touche les pieds. En fait, chaque fois que je me faisais masser le corps, je demandais toujours à la masseuse de laisser mes pieds tranquilles parce que j’étais trop chatouilleuse pour le supporter. Pourtant là, je laissais quelqu’un me chatouiller. C’était de la folie.
Ses chatouilles oscillaient entre très légères caresses et des caresses plus intenses avec une pression sur la plante des pieds. Il m’a même chatouillé entre les orteils, ce qui était insensé. Au fil du temps, j’ai progressivement développé une résistance et mes réactions sont devenues plus contenues. Lorsqu’il s’en est rendu compte, il a décidé d’utiliser ses « outils ». C’est ce qu’il me dit avec un rire malicieux. Il a alors passé une brosse à cheveux sur la plante de mes pieds et je me suis à nouveau tortillée avec une intensité accrue.
Lorsque la carte mémoire de son appareil photo a été pleine, nous avons décidé d’arrêter. Il m’a détachée et m’a retiré mon bandeau.
« Je savais que vous aimeriez ça », a-t-il dit en riant.
Je n’étais pas sûre d’avoir vraiment aimé, mais c’était certainement une nouvelle expérience à ajouter à mon répertoire fétichiste.
Il m’a montré les photos sur le viseur de son appareil. J’ai été vraiment surprise par ce que j’ai vu : mes pieds au premier plan de l’image, comme s’ils étaient la plus grande partie de mon corps en raison de la perspective. Je dois admettre que j’ai enfin compris que mes pieds pouvaient être beaux. En fait, il ne s’agissait pas de beauté conventionnelle. Il s’agissait plutôt de mes réactions et surtout de mes interactions avec le spectateur imaginaire. Ce n’était pas le genre de beauté que l’on voit dans une publicité pour un produit de soin des pieds. C’était l’expression brute d’un abandon total.
Après cette séance, je marchais sur un nuage. J’avais l’impression d’avoir reçu un massage tellement j’étais dans les vapes. J’étais aussi incroyablement excitée, ce à quoi je ne m’attendais pas. En rentrant chez moi, la première chose que j’ai faite a été de me masturber. À mon grand étonnement, un seul orgasme n’a pas suffi à me soulager. J’ai dû jouir trois fois avant de retrouver mes repères.
Je n’avais jamais imaginé que l’adoration des pieds pouvait être aussi érotique.
Nous avons eu de nombreuses autres séances ensemble et mon plaisir augmentait à chaque fois. J’ai même commencé à partager des photos de mes pieds sur les réseaux sociaux. On peut dire que j’ai enfin commencé à aimer mes pieds et à apprécier tout le plaisir qu’ils peuvent me procurer, à moi et aux autres.
Aujourd’hui, je m’abandonne aux pédicures professionnels et aux séances de réflexologie autant que je peux me le permettre. En outre, chaque fois que je publie une photo de mes pieds sur les réseaux sociaux, ma boîte de réception est ensuite remplie de messages d’appréciation de la part de mes followers.
Lorsque je regarde mes pieds, je me rends compte qu’ils ne sont pas si mal que ça.
* Cette fiction érotique a été écrite en anglais par Vénus O’Hara. Pour la lire dans sa version originale, c’est par ici.