La nuit, je rêve souvent que je fais l’amour à une inconnue. Le jour aussi parfois. Mais c’est quand il fait noir dehors, que tout est calme et que je suis dans mon lit que je la vois le mieux. C’est toujours la même femme, elle est belle, jeune, son regard doux m’électrise. Et nous faisons l’amour.
Pourtant, je préfère les hommes. Dans la vraie vie, celle qui m’ennuie et dans laquelle je traîne des pieds tous les jours. Je crois que je préfère les garçons parce qu’ils me disent que je suis jolie. Avec un pétillement dans les yeux. Les filles le disent aussi parfois, mais avec mépris ou jalousie. Un ton légèrement narquois qui ne se marie pas bien avec un compliment.
Dans mon rêve, l’inconnue me caresse avec une volupté incomparable. Ses doigts se promènent sur mon dos comme les mains d’un pianiste, de la fermeté virevoltante dans le toucher. Ce que je préfère, c’est quand elle glisse son indexe dans le sillon qui part de mes fesses jusqu’à ma nuque. Elle me susurre à l’oreille que mon dos est ce qu’il y a de plus jolie chez moi. Que tout est beau, mais le dessin des muscles sous mes épaules, ma taille qui s’affine à mesure que se rapproche mes fesses…
— Je fais beaucoup de natation.
C’est ce que je lui dis pour justifier la beauté de mon dos. Comme pour m’excuser. Elle embrasse bien aussi. Les bouches des femmes m’écœurent, je n’aime pas ce morceau de chair rose d’habitude, mais quand l’inconnue écrase mes lèvres avec la douceur des siennes, j’ai l’impression d’un voyage. Je ferme les yeux et je me laisse transporter, sa langue emmenant la mienne. Fermer les yeux dans un rêve, c’est une habitude à prendre. Au début, je me réveillais. Comme si rêver qu’on fermait les yeux annulait le sommeil. J’ai surmonté ce problème et maintenant quand elle m’embrasse, je reste près d’elle.
Au début, je n’aimais pas trop qu’elle s’approche de mon sexe. Je n’ai pas eu besoin de lui dire, elle a compris. Elle se contentait de me regarder amoureusement en promenant ses doigts autour de mon bassin, sans aller jamais plus loin que l’aine. Elle savait que ce n’était qu’une question de temps avant que je cède. Je ne peux pas résister à ses caresses. C’est l’avantage de l’irréel, il ne pose pas de limite à la perfection. Un jour, j’ai écarté un peu plus les cuisses et elle n’a pas eu un mouvement, un geste spécial. Elle a simplement franchi la ligne habituelle.
J’ai tout de suite su que le plaisir qui était en train de monter serait aussi délirant que le reste : je pouvais sentir le dessin de ses empreintes digitales contre les parois de mon vagin. Sa main s’est liquéfiée, ses doigts se transformant en des filaments à la fois souples et solides, appuyant dans mon sexe en des points multiples qui me pétrifiaient de plaisir. Je ne respirais plus, je ne bougeais plus, le bassin soulevé par l’extase, les cuisses écartées pour accueillir son bras magique remuant dans mon intimité dégoulinante du jus de son plaisir.
Cette fois-là, c’est moi qui l’ai embrassée. De justesse. Avant qu’elle ne s’évapore complètement pour me pénétrer tout entière. Elle virevoltait dans mon sexe, ressortant parfois une tête pour m’observer ou sucer l’un de me tétons raides comme une brique rose. Elle a une façon qui m’apaise de passer en courant d’air comme une bourrasque sur mes seins. Elle sait y faire de partout. Elle pourrait me donner des orgasmes en se penchant sur mes doigts de pieds. Elle connait les moindres zones de plaisir du corps.
Elle m’a appris à lui faire plaisir aussi. Parce que je jouis mieux quand je sens que l’autre est à son aise. Qu’il prend son pied pareil. Je dis « il » parce que dans la vraie vie, c’est avec des garçons. J’aime bien observer leur visage quand ils jouissent en moi. C’est beau de procurer ce bien-être à quelqu’un. Avec l’inconnue, c’est plus subtil. Elle a l’extase délicate. Il n’y a pas ce dernier coup de rein qui vous remplit.
Elle ferme les yeux en les gardant ouverts. C’est étrange à se figurer, mais je ne peux pas mieux l’exprimer. Elle a comme un voile qui embue ses yeux pour profiter de mes baisers, sans qu’elle ne me lâche du regard. Jamais je n’aurais cru pouvoir un jour aimer lécher la nuque et les seins d’une femme. Même chez les hommes, je ne suis pas trop friande de mamelons. Elle a goût de fraise, ou de vanille, de groseille certaines nuits. Ça dépend de mon humeur et de la sienne. Elle adore que je tourne ma langue en spirale autour de son sein jusqu’à atteindre le téton. Et quand j’arrive à ce sommet gonflé, je le gobe et je le mâchouille doucement. Elle gémit sans qu’aucun son ne sorte. Je ne peux pas mieux l’expliquer.
Il m’a fallu longtemps, plusieurs dizaines de nuits avant que je me décide à regarder son sexe. Contrairement au mien, il est totalement imberbe. D’une blancheur toute lisse, avec de solides lèvres roses qui enserrent un clitoris carmin. Une splendeur. J’ai passé de longues heures à l’observer. Des heures de rêve, je ne sais pas à combien de temps ça correspond dans la vraie vie. Je le connais par cœur son sexe. J’ai fini par le toucher, il était aussi doux que beau. Il est comme les sensitives, ces plantes qui se ferment quand on les frôle. Il m’a fallu plusieurs essais avant d’apprivoiser son sexe. Sa vulve se fermait au début. Je crois qu’elle a fait exprès pour m’inciter à insister.
Le jour où sa vulve s’est ouverte à moi, j’y ai tout de suite enfoui mes doigts. L’inconnue s’est cambrée et je me suis liquéfiée jusqu’à entrer totalement en elle. La même manière de procéder que lorsqu’elle me fait jouir. J’ai tournoyé dans son intimité. C’était magnifique, multicolore, des rayons arc-en-ciel zébraient les parois de son vagin et chaque fois que j’appuyais quelque part, je la sentais jouir en une pluie d’étincelles de toutes les couleurs qui tombaient sur moi.
Je suis sortie de son sexe et je me suis allongée sur elle. Nous nous sommes embrassées, nues l’une contre l’autre, ses seins serrés contre les miens, nos nombrils face à face, totalement enlacées, unies, englouties l’une dans l’autre.
Et depuis, je rêve souvent que nous faisons l’amour. Je me réveille de plus en plus tard pour profiter d’elle, de son corps, de sa douceur, de son énergie envoutante, apaisante, sa vitalité inouïe. J’apprends à prolonger, à fermer les yeux en dormant, à jouir sans revenir, à crier de joie sans sursauter. Elle a commencé à m’emmener parfois en promenade chez elle, dans son monde sensuel et enivrant. Des paysages à couper le souffle, main dans la main. Il parait que la dernière fois, j’ai dormi vingt-trois heures. J’y suis presque, je m’entraîne et bientôt j’en serai capable. Ne plus jamais me réveiller pour vivre, enfin.