Attendre – Fiction érotique

La première fois, elle avait été frustrée. La troisième fois, furieuse. Mais la quatrième, la huitième et la douzième fois, elle s’en souvenait à peine et s’en fichait.

La première fois, ils étaient dans son appartement. Après un deuxième rendez-vous. Tout se passait plus « rapidement » qu’à l’accoutumée pour elle, mais bon sang, les gens savent quand ils ont envie de faire l’amour, et elle avait envie de lui. Elle pensait qu’il ressentait la même chose pour elle, mais… eh bien, commençons par planter le décor.

Ils étaient sur son canapé, le vin sur la table basse à peine entamé, et ses doigts s’enfonçaient dans le creux de son dos tandis qu’elle explorait sa bouche avec sa langue. C’était excitant de découvrir qu’il savait utiliser ses lèvres et que sa langue écoutait la sienne. Elle écoutait également la sienne, et ses indications étaient claires et directes.

Lorsqu’il s’allongea de tout son poids sur elle, elle sentit qu’il était excité. Il était pratiquement sur le point d’éclater à travers son jean. Son érection, coincée là-dedans, devait être douloureuse, pensa-t-elle, et elle l’imagina en train de déchirer son pantalon ; c’était caricatural et elle faillit rire, mais l’image de son apparition soudaine dans l’espace qui les séparait, sa poussée dramatique dans son imagination, était aussi très sexy et elle se sentit mouiller.

Son autre main était maintenant sous sa chemise, appréciant sa peau et les lignes que ses côtes formaient jusqu’à ses seins. Ses doigts suivaient la frontière de son soutien-gorge, tandis que sa première main la rapprochait de lui.

C’est alors que son putain de téléphone portable sonna. « Désolé », murmura-t-il, et il décrocha.

Il dirigeait une petite entreprise – elle ne se souvenait pas des détails, ce n’était qu’un deuxième rendez-vous, après tout – et l’appel était lié au travail. Il était assis là, sur son canapé, une main tenant le téléphone, l’autre caressant cruellement sa cuisse. Et il parla, ce salaud, pendant cinq bonnes minutes, éteignant un feu imaginaire pendant qu’elle envisageait de faire du déca ou d’arroser ses plantes. Elle vit la bosse dans son pantalon se dégonfler un peu. Puis complètement.

Il finit par raccrocha, s’excusa (il s’agissait d’une urgence), lui dit qu’il s’était bien amusé et quitta son appartement.

Ce samedi matin, elle se rendit chez lui après une simple invitation par SMS : « Laisse-moi me rattraper pour l’autre soir. J’ai un peu de temps ce matin si tu veux prendre le petit-déjeuner. »

Il avait préparé un petit-déjeuner digne de la couverture de Milk Magazine, mais ils n’y ont jamais touché. Ils s’étaient dit « Bonjour » et immédiatement remis à l’ouvrage. Tout en se dirigeant vers son lit, il l’embrassait bien et la touchait où il fallait. Mais seulement à travers ses vêtements ; il ne fit pas l’effort de déboutonner son chemisier ou de dégrafer une braguette. Cela dura cinq minutes, dix minutes… Elle eut l’impression que cela durait des heures. Elle aimait les hommes qui prenaient le contrôle dans ce genre de situation, mais elle décida d’être un peu plus directe et de faire au moins allusion à ce qu’elle voulait.

Elle laissa ses doigts danser sur son ventre. Il était plat et ferme et, tout naturellement, ses doigts se glissèrent sous la ceinture élastique de son sous-vêtement. Il aimait cela, supposa-t-elle, parce que son sexe grandissait de quelques centimètres sous sa main.

Il reproduisit ses mouvements, jouant avec son ventre et la ceinture en dentelle de sa culotte. Ils restèrent ainsi pendant un certain temps, les bouches goûtant les bouches, les cous et les gorges, les doigts taquinant les régions pubiennes, tous deux se torturant délicieusement l’un l’autre, jusqu’à ce que…

Il regarda l’horloge et murmura, encore une fois, « Désolé ». Il avait rendez-vous avec ses amis pour un match de basket – il en faisait tous les samedis – et il allait être en retard.

Elle s’était dit : « Tu te fous de moi, putain ? » Mais elle a simplement hoché la tête : « Ah, d’accord. » Elle remit sa chemise en place et ce fut tout.

Ils se revirent une troisième fois – dîner, film, et retour sur le canapé où ils avaient commencé ! Elle apprit encore mieux les mouvements et les sons de son corps. Elle passait et repassait sa main le long de ses cuisses maigres jusqu’à ce qu’elle pense qu’elle allait crier de frustration. Il l’avait soulevée et embrassait sa poitrine, mais seulement la partie supérieure exposée au-dessus de son soutien-gorge qui lui n’avait pas bougé d’un iota ! Elle aimait ce que faisait sa langue, ses mains, et son parfum et ses gémissements resteraient gravés dans sa mémoire.

Puis cela se reproduit. La raison n’avait que peu d’importance. Il suffit de savoir qu’il lui dit à nouveau « Désolé » et qu’ils se sont séparés avant d’avoir pu se débarrasser du moindre vêtement. Elle était en colère contre lui, et elle ne se souciait pas de savoir si elle avait le droit de l’être. À tel point que lorsqu’il l’invita à sortir à nouveau, sa première réaction fut de lui répondre « Non ! ». Mais, se ravisant, elle l’appela et lui demanda, à brûle-pourpoint, pourquoi ils n’avaient pas couché ensemble.

« Tu n’as pas l’air d’être impuissant », lui demanda-t-elle. « As-tu une maladie ? Je ne te plais pas ? »

Mais ce salaud décontracté, ce charmant malotru, venait de soupirer à l’autre bout du fil. Ce soupir lui rappela les légers halètements de plaisir qu’il émettait lorsqu’elle lui mordillait l’oreille. « Le moment n était jamais le bon », c’est tout ce qu’il lui dit. Il le dit sans s’excuser. Sans gêne. Et elle a trouvé la réponse, de façon étonnante, satisfaisante. Elle accepta de sortir de nouveau avec lui. Ils décidèrent d’aller danser.

Le club était bondé et s’en dégageait une odeur, pas si désagréable, de sueur et de bière renversée. Ce soir, elle était plus maquillée que d’habitude et portait le genre de petite robe noire qui transforme les hommes en chiens baveux. Et bon sang, il était particulièrement beau lui aussi, avec une chemise impeccablement ajustée et une barbe d’un jour.

Ils n’avaient jamais dansé ensemble auparavant, mais elle commença bientôt à espérer que le vieil adage était vrai le concernant, qu’une personne danse comme elle fait l’amour. Son toucher et le rythme de la musique guidaient leurs mouvements. Son excitation était maximale. Au milieu de dizaines d’autres couples, il n’était pas question ici de s’explorer mutuellement avec les lèvres. Au lieu de cela, ils dansèrent plus près, plus étroitement, et lorsque sa main pressa le creux de son dos, elle se souvint qu’il avait joué avec le haut de sa culotte. Lorsque la musique noya tous les autres sons, elle se souvint du tendre bruit de succion qu’il avait fait en embrassant sa poitrine.

Très vite, le désir qu’elle éprouvait pour lui était si grand qu’il en était douloureux. Son désir d’être déshabillée et baisée sans cérémonie la brûlait comme une démangeaison insatiable.

Une démangeaison.

Une démangeaison.

La démangeaison grandit, mijota et brûla, puis, d’une manière ou d’une autre…finit par passer. Ou peut-être pas « passer » totalement, parce qu’elle était toujours là. Elle s’était peut-être transformée en quelque chose d’autre. Car une démangeaison est quelque chose qui exige d’être grattée, tout comme la faim exige d’être nourrie. La nourriture est le plaisir reçu, tandis que la faim est la douleur qui exige le plaisir. Mais ici et maintenant, dans cette foule bruyante, sa démangeaison cessa d’être la douleur qui exigeait d’être grattée avec plaisir ; sa démangeaison était devenue le plaisir lui-même. Elle glissa dans un nouvel état de conscience où l’après-démangeaison n’était jamais envisagé. Cette démangeaison était une fin en soi. Elle vécut ici, maintenant, dans ce désir et l’apprécia plus qu’elle n’avait jamais apprécié quoi que ce soit auparavant.

Il avait dû aimer passer la soirée dans cet été lui aussi, car à la fin de la nuit, ils s’embrassèrent sans qu’aucun des n’invite l’autre à venir passer la nuit chez lui ou elle.

Ils commencèrent à se voir de plus en plus souvent, s’embrassant et se caressant comme des adolescents, sans jamais se déshabiller, mais en développant une démangeaison de plus en plus forte, illustrée par leur humidité et leur dureté respectives.

Cela dura des semaines.

Ils ne faisaient pas grand-chose d’autre.

Un matin froid, trois mois après leur deuxième rendez-vous, ils étaient dans son lit, au chaud sous les couvertures, et il fit quelque chose qu’elle pensait qu’il ne ferait jamais. Il enleva son t-shirt. Et son soutien-gorge. Elle l’imita, et il fut rapidement débarrassé de son t-shirt.

Il lui ôta sa jupe. Elle, son pantalon. Après s’être relayés, ils travaillèrent ensemble, comme une unité inconsciente, et firent glisser les sous-vêtements de l’un et de l’autre. Simultanément, culotte et slip tombèrent au sol.

Le déshabillage était nouveau, et pourtant, il n’était pas destiné à atteindre quoi que ce soit de plus que la grande démangeaison qu ‘ils étaient devenus si bons à créer. Leurs séances de taquineries duraient de plus en plus longtemps. Ce matin glacial s’inscrivait dans la continuité. Ils entamèrent un putain de marathon.

Nus. Ils poursuivirent leur exploration. Là où le bout des doigts avait dansé sous les élastiques de la culotte, les lèvres embrassaient et caressaient. Doucement, sur les mamelons, les autres lèvres. Le bout des doigts, les siens, qu’elle sentait à peine, avaient su trouver la chaleur humide entre ses jambes. Il effleura sa chair comme il l’avait fait pour le reste de son corps. Ses doigts trouvèrent son membre et elle le caressa doucement, à peine.

Leurs doigts trouvèrent le désir et la démangeaison qu’ils avaient accumulés depuis si longtemps.

Cela dura.

Un long moment.

Chaque instant était délicieux.

Puis il se glissa en elle. Les mois d’exploration et de méandres délicats furent remplacés par une douce ondulation. Souvenez-vous que le but de leur désir avait disparu depuis longtemps. Ils n’avaient cherché que le désir lui-même, et avaient donc oublié tout ce qui pouvait en découler. Alors, comme si on leur rendait la vue après une vie de cécité, le fait qu’il soit en elle leur apportait de l’émerveillement.

Le désir se répandiut dans son cœur et dans ses extrémités. Il semblait remplir tous les endroits que le désir touchait. Ses gémissements, qu’elle connaissait si bien, devinrent bruyants et désespérés, et elle aimait qu’il crie en la regardant elle. Elle-même criait pendant qu’il la léchait. Les voisins les entendaient et le lit cognait contre le mur. Il faisait chaud sous les couvertures et les draps étaient trempés. Les larmes leur montèrent aux yeux car leur démangeaison était satisfaite. Se faire baiser n’avait jamais été aussi bon. Ensemble, ils jouir et une longue séquence de bonheur les a envahis.

Son corps sur elle.

L’adhérence de leur peau.

Ses lèvres toujours sur les siennes.

La satisfaction, la paix et un sentiment de plénitude.

Le calme.

Mais pas pour longtemps.

Car la démangeaison… Le désir… L’envie… Le besoin renouvelé… La supplication et le désir ardent…

Ils revirent tous.

« Encore », lui dit-elle. « Baisons, comme ça, encore. »

Il acquiesça, heureux d’obéir, tout en sachant qu’il lui faudrait encore trois bons mois pour pouvoir la baiser, comme ça, à nouveau.

 

* Cette fiction érotique a été écrite en anglais par Bambi Zavattini. Pour la lire dans sa version originale, c’est par ici.