Dans une société qui place très haut le fait d’être arrangeant et facile à vivre, il est parfois un peu compliqué de savoir poser les limites et de les exprimer haut et fort. Notamment lorsqu’il s’agit de sexe.
Le mouvement Me Too a contribué à libérer la parole, à mettre l’accent sur la notion de consentement, à lever le voile sur des sujets qui jusque-là n’avaient leur place ni dans les médias ni dans les conversations informelles entre amis, collègues ou en famille. Pourtant, affirmer ses limites et les frontières à ne pas dépasser à voix haute n’est pas si évident en pratique.
Nous tenions à rappeler ici, si besoin en était, que vous seul(e) connaissez vos limites, ce qui vous est intolérable. Et ce faisant, vous avez le droit les exprimer et de dire « non » dès que vous le souhaitez. En prenant conscience de cela et en devenant votre meilleur(e) allié(e), vous apprendrez à trouver les mots justes et la force de vous exprimer, même entouré(e) de personnes qui vous dénient ce droit et déconsidèrent la valeur d’un « non ».
Ce n’est pas toujours facile
De la prise de conscience au passage à l’action, il y a un pas qui n’est pas si évident que cela à franchir. Particulièrement dans la chambre à coucher.
Les femmes notamment (ou toutes les personnes élevées ou qui se reconnaissent comme telles) sont éduquées dans l’idée qu’être agréable aux autres est l’une des qualités attendues et appréciées pour leur genre. Priser l’autonomie et l’affirmation de soi conduit souvent à se faire traiter de p***, ou pire.
Lorsque l’on nous a répété, de manière plus ou moins consciente, que les avances parfois lourdes et souvent non sollicitées devaient être supportées, on peut craindre les réactions négatives qu’entraineraient une réaction affirmée et directe. D’autant que bien souvent, les personnes qui se voient opposer résistance ou refus ont alors recours à différentes techniques pour arriver à leurs fins : bouderies, coercition, chantage, culpabilisation (quand il ne s’agit pas de violences physiques…).
Exprimer un « non » clair et s’y tenir n’est vraiment pas toujours évident. Mais ce « non » est primordial. Nous devons le respect à nos corps. Et être capable d’opposer un « non » rendra les «oui, oui, oui » encore plus puissants.
Afin de mettre ces préceptes en pratique, on vous conseille de commencer par vous entraîner avec de petites choses.
La stratégie des petits pas
Lorsque que l’on pense à l’expression d’un « non » puissant et massif, on pense souvent au sexe et plus précisément à la pénétration.
Si bien entendu, il est primordial pour notre santé physique et mentale d’oser exprimer un « non » face à une pénétration non désirée, il est également important de prendre conscience que le « non » s’applique à plein de choses, extérieures à la pénétration.
A l’instant précis où vous commencez à vous sentir mal à l’aise, vous pouvez serrer le frein à mains et décider de quitter conversation ou situation qui ne vous convient pas. Par exemple, dans une fête ou dans un bar, vous pouvez dire à l’inconnu(e) qui vous enlace par la taille que vous n’avez pas envie d’être touché(e) de la sorte. La personne réfléchira sans doute à deux fois avant de recommencer.
Apprendre à dire non vous fera réaliser à quel point c’est bon de décider de ce qui convient à notre corps et à son espace vital. Exprimer ses limites les rend tangibles. Vous êtes le/la seul(e) maître(sse) à bord.
C’est en faisant qu’on apprend
On peut avoir pris conscience de la nécessité de s’exprimer dès qu’une situation ne nous convient pas, s’être juré(e) de ne plus se laisser faire, avoir préparé à l’avance quelques répliques bien senties pour éloigner les forceurs, nous voilà en train de faire la queue dans un magasin, incapable de réagir face à la drague lourde d’un(e) inconnu(e). Tétanisé (e), souvent par la peur.
Le moyen le plus efficace pour surmonter ce genre de situation est de s’entraîner. Il y a assez peu de chances pour que vous vous réveillez un matin transformée en Xéna la guerrière. Nous vous recommandons, on l’a dit, de commencer par de petites choses dans votre vie quotidienne, en particulier dans des contextes non sexuels. Par exemple, lorsque quelqu’un vous appelle pour une sortie inopinée dans un bar alors que tout ce que vous souhaitez c’est rester chez vous à terminer ce puzzle et cette bouteille de vin, refusez. Écoutez-vous. Dites « non ». Autre exemple mais dans un espace public cette fois : vous êtes au cinéma, à la table d’un café, à la bibliothèque et quelqu’un vient s’asseoir beaucoup trop près de vous. Dans le périmètre de sécurité dont vous avez besoin pour être à l’aise. Dites-le. A force de pratique, il vous sera de plus en plus facile de dire non et de le manifester clairement. Notamment dans le domaine du sexe.
Les autres et le contexte
Libérer la magie et le pouvoir du « non » ne sera pas forcément bien perçu. Il faut vous attendre à quelques réactions comme la froideur ou la culpabilisation. De nombreuses personnes ont du mal à (ou ne veulent tout simplement pas) croire qu’ils/elles ont franchi une limite. Il est donc peu probable qu’ils arrivent à entendre le besoin exprimé par l’autre.
Dans un espace public, face par exemple au weirdo qui vous touche les fesses, vous rencontrerez sans doute la confusion voire une hostilité agressive une fois votre refus de la situation exprimé. Il n’est pas agréable de s’entendre dire qu’on a dépassé les limites. Mais peu importe l’égo mal placé de certains, c’est votre sécurité et votre intégrité qui comptent le plus.
Certaines personnes considèrent qu’un « non » est une porte d’entrée vers la négociation… Pour arriver à leurs fins, certains n’hésitent pas à employer différentes tactiques. Restez ferme et camper sur vos positions. Le consentement doit être libre et non pas soumis à un chantage ou une quelconque pression. Pas la peine non plus d’enrober votre non de trop de dentelles pour ne pas blesser la personne. Soyez ferme et concis(e). « Non » est une phrase qui se suffit à elle-même. Qui peut arriver à n’importe quel moment d’un échange ou d’une relation sexuelle et qui doit primer sur le oui.
Si la situation vous oppresse trop et que la personne ne comprend pas et poursuit sa « négociation » et/ou son intimidation, partez. Appelez un VTC et quittez cette situation.
Dire non, multiplicateur de plaisir ?
Croyez-en notre expérience, plus vous arriverez à dire non au lit et plus vous arriverez à déterminer ce qui vous procure vraiment du plaisir. Si vous avez l’habitude de peu exprimer vos envies et de ne pas trop affirmer vos limites, il y a fort à parier que vous ne sachiez pas ce qui vous fait grimper au rideau et que vous n’ayez pas encore exploré toutes les joies du sexe.
Dire non vous fait réaliser ce que vous ne voulez pas et prendre conscience de ce qui en revanche vous attire. Plus vous vous connaîtrez intimement, plus vous saurez reconnaître rapidement une transgression et y mettre fin.
On pourrait penser qu’imposer des limites dans le sexe rend la chose moins fluide ou moins agréable. C’est bien l’inverse qui se produit. Quand vous savez que vos limites sont connues et respectez, vous êtes en toute sécurité. Et c’est là que vous pouvez réellement vous abandonnez au plaisir et à la découverte.
Peut-être vous découvrirez vous fétichiste des pieds, que vous vous sentez plus à l’aise dans un ménage à trois que dans une relation à deux ou encore que vous avez besoin de quelques mois de sexe en solo avec votre sex-toy pour vous reconnecter avec vos désirs ?
Dire non est une expérience forte. Qui rend les oui d’autant plus riches de sens.