Comme ses camarades, Angélique attendait devant « La Sirène Bleue » en scrutant l’horizon. On avait annoncé l’arrivée d’un bateau pour le soir même, ou peut-être le lendemain. Alors toutes les filles se tenaient prêtes à accueillir ces marins esseulés qui allaient se précipiter dans leur établissement en quête de plaisir et de réconfort. La Grosse Eva, la patronne, se frottait déjà les mains…
Depuis la veille, elle donnait ses ordres aux filles, en leur rappelant qu’il ne fallait pas mener le marin trop vite au coït, qu’il fallait le faire boire, consommer, qu’il passe une soirée mémorable (et chère) avant d’aller s’isoler avec celle qui lui plaisait, dans une chambre à l’étage.
Angélique soupirait. Les marins étaient ennuyeux, ils se ressemblaient tous, recherchaient éternellement les mêmes divertissements, ils parlaient fort, riaient, faisaient les fiers, mais une fois au lit, ils ne tenaient guère plus qu’une poignée de secondes avant de jouir dans un râle aux relents d’alcool. Qu’ils soient doux, violents, drôles, méchants, gentils… tous ces marins ne tenaient pas une minute entre ses bras. Et ils s’endormaient tout de suite après, ne laissant même pas la place à un moment d’intimité, un partage de leurs visions du monde, de la vie. Angélique se sentait seule.
Une des filles cria qu’un bateau pointait au loin. Des cris d’excitation secouèrent la petite foule. La Grosse Eva rit devant cette belle énergie et donna ses dernières recommandations avant d’ordonner à tout le monde d’aller se reposer. Les marins débarqueraient en fin de journée, la nuit serait longue…
Les filles rentrèrent dans « La Sirène Bleue » en pouffant. Angélique les suivit sans joie, parée à une nouvelle soirée de beuverie insipide. Mais la Grosse Eva la retint au moment où elle passait la porte. Angélique la regarda, étonnée, mais la vieille femme attendit que toutes les filles aient disparu dans l’établissement. Dès que la dernière d’entre elles se fut précipitée vers les chambres du premier étage, la Grosse Eva perdit immédiatement son sourire.
— Il n’y a rien de plus contagieux que le manque d’enthousiasme. Si les filles te voient faire la tête, elles ne tarderont pas à faire de même.
— Pardon, Eva, je…
— Ça fait un moment que je te vois sans envie. Je te laisse une dernière chance ce soir. Si t’as pas retrouvé ton entrain, tu peux faire ta valise demain matin.
La vieille femme entra dans son établissement sans rien ajouter. Angélique était pétrifiée, imaginant les conséquences si elle était mise à la porte. Elle devait nourrir sa mère et les deux jumeaux de sa sœur, morte en couche. Une charge lourde à tout point de vue, et elle ne pouvait pas se permettre de perdre ce travail qui payait bien. Même si prostitué était loin d’être un boulot de rêve, les filles étaient bien traitées ici. Si un client devenait violent ou désagréable, Eva le jetait dehors sans ménagement. Elle protégeait toujours ses filles, peu importe le ponte qui se trouvait en face. Angélique savait qu’elle ne trouverait jamais de meilleure place et elle comprenait la Grosse Eva. « La Sirène Bleue » était la maison close la plus appréciée sur le port et la vieille propriétaire tenait à garder ce titre.
Angélique devait ravaler sa mélancolie et montrer qu’elle était à la hauteur. Elle était belle, il n’était pas rare que les hommes de disputent sa compagnie, elle pouvait même se payer le luxe de choisir parmi les prétendants, mais elle poussait ensuite moins à la consommation que ses camarades. Elle avait envie de pouvoir emmener le marin qui l’avait choisie sans qu’il soit complètement saoul… Tant pis, elle montrerait à Eva de quoi elle était capable.
Dans la petite chambre qui lui était réservée, elle choisit sa tenue avec soin, prépara son maquillage puis se coucha pour être d’attaque à l’arrivée des marins le soir même. On racontait qu’ils arrivaient de cette nouvelle terre qu’on venait de découvrir de l’autre côté de l’Atlantique. Elle espérait que son marin du soir pourrait lui en dire plus… Cette contrée exotique la faisait rêver.
Angélique fut réveillée par l’agitation de ses camarades qui se préparaient. Elle entendait les rires fuser, les petits pas dans le couloir, l’effervescence avant le débarquement. Par la fenêtre, elle vit des hommes en train d’harnacher l’immense bateau au port. Ils étaient là.
Angélique s’habilla en vitesse, se maquilla puis alla constater le résultat dans le miroir de la chambre. C’est vrai qu’elle était belle. Cela continuait de l’étonner chaque fois qu’elle apercevait son reflet. Elle était sans doute un peu trop mince au goût de beaucoup d’hommes, mais son visage rayonnant et ses seins avantageux faisaient oublier son manque de formes. La Grosse Eva ne serait pas déçue. Elle allait lui montrer de quoi ses charmes étaient capables.
Elle descendit rejoindre les filles dans la grande salle où les tables étaient prêtes. Les serveuses, le barman, la Grosse Eva… Tout le monde était paré, la bonne humeur était palpable et Angélique fut gagnée par cette joie spontanée. Elle se mêla à ses amies, plaisanta avec elles, aussi pour montrer à Eva qu’elle était prête. Les minutes passèrent et toute le monde trépignait. On s’impatientait en riant, on trouvait le temps long, on plaisantait sur ces marins qui n’osaient pas venir… Puis l’attente se transforma en inquiétude.
La Grosse Eva avait raison, le manque d’enthousiasme était contagieux. Angélique et les autres lisaient maintenant l’inquiétude sur le front de leur patronne et les ardeurs étaient refroidies. Pourquoi les marins n’arrivaient pas ?
La patronne s’approcha d’Angélique et lui souffla à l’oreille :
— Va voir ce qui se passe.
Aussitôt, Angélique se précipita dehors et trottina vers le bateau amarré à une centaine de mètres. L’air était doux en ce mois d’août et Angélique apprécia cette sortie improvisée. En s’approchant du navire, elle sentit le regard des hommes sur elle. Sa beauté mise en valeur par sa tenue faisait son effet. Elle connaissait la plupart des hommes qui travaillaient au port et se mit en quête d’un visage ami. Elle remarqua la présence d’un jeune mousse qu’elle avait déniaisé l’an passé et qui lui vouait depuis une admiration sans borne.
— Tu sais où sont les marins de ce bateau ?
— Je crois bien m’dame. La plupart sont encore dedans, y en a peu qui sont sortis.
— Pourquoi ça ?
— Je sais pas trop m’dame, mais ce que je peux vous dire, c’est qu’ils ont la mine sombre.
Angélique le remercia et s’en alla vers les ruelles au bout du port. C’était là que certaines filles proposaient des passes. Ça évitait au marin de dépenser son argent en boisson, il allait plus vite en besogne, et ça offrait aussi plus de discrétion. Il n’était pas rare d’y apercevoir les curés de la région, expliquant à ceux qu’ils croisaient qu’ils n’étaient là que pour évangéliser les prostituées… Si quelques marins avaient quitté le navire, c’est là qu’elle les trouverait.
Elle n’eut pas besoin de visiter beaucoup de ruelles pour trouver ce qu’elle cherchait. Un marin se tenait debout contre un mur avec une prostituée à genoux devant lui, son pénis dans la bouche. Angélique s’adossa au mur, certaine que l’homme n’en avait plus pour longtemps. Dans quelques secondes, elle pourrait l’interroger… Mais le marin l’aperçut et la dévisagea, amusé. Il lui sourit et Angélique lui rendit son sourire. Il demanda à la prostituée entre ses jambes de s’arrêter et fit signe à Angélique d’approcher.
La jeune femme s’exécuta en poussant un soupir. Ça prendrait plus de temps que prévu…
— Bonsoir Angélique.
— Bonsoir Marianne.
— Qu’est-ce que tu fais là ? T’es pas à « La Sirène Bleue » ?
— Je ne fais que passer, t’inquiète pas.
Marianne fut aussitôt rassurée. Si les filles des établissements supérieurs commençaient à faire de la concurrence dans les ruelles, c’était pas bon pour les affaires…
— Vous êtes sacrément belle, vous.
— Y en a d’autres comme moi à « La Sirène Bleue », et on se demandait pourquoi toi et tes copains vous y êtes pas en ce moment ?
Le marin sourit sans répondre. Une idée faisait son chemin.
— Qu’est-ce que tu me donnes si je t’explique ?
— Malheureusement pour toi, rien pour l’instant. J’ai pas le droit de donner de faveurs en dehors de mon établissement. Mais si tu viens faire un tour à l’occasion…
Le marin fronça les sourcils, réfléchissant à une autre solution… Il dévorait Angélique des yeux, la trouvait bien plus à son goût que Marianne, qui attendait toujours à genoux.
— Si tu me regardes sauter ta copine, je te dis.
Angélique adressa un regard à Marianne qui secoua les épaules. Ça lui était égal. Alors Angélique acquiesça d’un signe de tête.
Le marin sourit et exhiba son sexe dur pour qu’Angélique puisse le voir. Elle retint un cri de surprise. Il était superbe, épais, puissant. Et le regard de défi du marin l’excitait. Le jeune homme mit Marianne à quatre pattes et souleva sa robe, dévoilant ses fesses blanches. Il s’agenouilla derrière elle et écarta ses cuisses. Il lécha son index et son majeur puis caressa la vulve de Marianne. Il ne quittait pas Angélique des yeux. La jeune femme déglutit.
Marianne ferma les yeux. Elle commença à pousser des cris de plaisirs de plus en plus sonores. Ses joues se teintaient de rouge, elle salivait. Angélique songea que l’homme savait manifestement s’y prendre. Elle reconnaissait une femme qui simulait, et Marianne prenait visiblement un plaisir véritable. Quand le marin estima que la prostituée était prête, il retira ses doigts, avança son bassin et guida son énorme sexe entre les lèvres intimes humides de Marianne. Elle poussa un cri plus perçant encore et releva la tête dans un réflexe de plaisir.
L’homme mit ses mains de part et d’autre de la taille de Marianne et donna un premier coup de rein en souriant à Angélique. Elle mit un doigt à sa bouche pour garder sa contenance. Puis il donna un deuxième coup, aussi brusque et net que le premier. Angélique avait envie de lui. Elle avait envie de prendre la place de Marianne, mais elle n’en avait pas le droit et ne voulait pas risquer de perdre sa place… Néanmoins, elle était rassurée. Elle semblait reprendre goût au plaisir.
Le marin accéléra le mouvement, laissant échapper à son tour des cris plus présents. Marianne avait les yeux révulsés, elle était déjà en train de jouir. Angélique n’en revenait pas. Dans cette ruelle sale, à quatre pattes dans la poussière, avec ce marin sorti de nulle part, la jeune femme parvenait à jouir. Angélique commença à se caresser à travers sa robe, appuyant sur le pli entre ses cuisses. L’homme ne s’y attendait pas. Et en voyant Angélique se pincer les lèvres de plaisir tout en se masturbant par-dessus le tissu, il ne put retenir son plaisir.
Il poussa un cri rauque et déchargea le plus profondément possible entre les cuisses de Marianne qui affichait un sourire niait évocateur. Angélique était contente de son coup. Elle avait réussi à gagner du temps.
— Alors ? Pourquoi tes camarades n’ont pas débarqué ?
Lire la suite…
[related_article id= »23999″ size= »full » readmore= »Découvrir la suite.. » target= »_blank »]