Il était une fois, dans une contrée lointaine, un royaume où la morosité s’était propagée partout. Tous les matins, les habitants de ce pays mélancolique se saluaient tristement sur le chemin du travail. Et leurs journées s’écoulaient soupirs après soupirs, sans qu’aucune joie ne vienne briser la malédiction. D’où venait cette sempiternelle absence de gaieté ? Du jeune roi mélancolique qui gouvernait sans passion. Il était si triste que partout son âme en peine venait ternir les espoirs de joie. Toutes les nuits, aux quatre coins du royaume, on pouvait entendre des pleurs et plaintes déchirantes.
Cette tristesse affectait le bon fonctionnement du pays car ses habitants ne mettaient aucun cœur à leur ouvrage et de plus en plus de sujets quittaient le royaume pour aller chercher le bonheur ailleurs. Les conseillers du roi en quête de solutions pour redresser le pays accumulaient les échecs. Pour que le peuple se ressaisisse, il fallait avant tout que leur roi soit de nouveau heureux. Et tout le monde savait pourquoi la tristesse le paralysait : il avait perdu sa fiancée emportée par la fièvre quelques années plus tôt et il ne s’en n’était jamais remis. Il fallait qu’il tombe à nouveau amoureux pour que le chagrin passe.
Les conseillers du roi décidèrent d’organiser la fête la plus importante et la plus grandiose que le pays n’ait jamais connu. Et comme ils savaient que le roi n’accepterait jamais qu’ait lieu pareil événement, tout fut préparé sans qu’il n’en sache rien, sous le prétexte de la surprise. L’invitation à cette somptueuse soirée fut envoyée à toutes les grandes familles du pays qui se réjouirent de cette initiative qu’ils pensaient venir du roi lui-même. A coup sûr, il cherchait une nouvelle fiancée, c’était une aubaine qu’il ne fallait pas laisser passer. Marier sa fille au roi, c’était non seulement la garantie d’un bel avenir pour toute la famille, mais aussi une chance que le royaume aille mieux.
Et de nouveau, dans le pays, on vit quelques sourires s’afficher devant cette lueur d’espoir qui promettait peut-être de meilleurs lendemains. Mais cette accalmie dans le malheur ne touchait hélas que les riches et les nobles du pays. Et les paysans, les artisans, les petites gens du peuple qui n’avaient pas été invités continuaient de se morfondre, espérant qu’à l’issue de cette fête, le roi retrouverait goût à la vie et le pays avec lui.
Or dans la principale forêt du royaume, un bucheron habitait une petite maisonnette avec sa fille. Tous les bucherons des environs avaient quitté le pays et il était le dernier à travailler encore pour fournir du bois aux habitants du coin. L’immense masse de travail permettait de surmonter sa propre tristesse mais il ne supportait plus de voir sa fille unique anéantie par le chagrin sans pouvoir rien n’y faire. Allongée toute la journée dans son lit à pleurer en silence pour ne pas inquiéter son père, elle dépérissait jours après jours. Alors lorsque le bucheron vit qu’à la fête royale, seules les grandes familles étaient invitées, il entra dans une colère noire. Pour une fois que sa fille aurait pu se distraire, elle n’en avait pas le droit.
Il se jura que sa fille assisterait à la fête et élabora un plan pour y parvenir. En tant qu’unique bucheron de la région, il avait amassé un peu d’argent qu’il utilisa d’abord pour acheter la plus belle robe. Il fit ensuite l’acquisition d’un carrosse somptueux et d’une tenue de cochet à sa taille pour la conduire en toute discrétion. Il fit ensuite promettre à sa fille qu’elle irait à la soirée royale, même si elle n’était pas invitée. Elle savait combien sa tristesse détruisait le cœur de son père alors elle lui promit d’y assister même si elle n’en avait ni l’envie ni la force.
C’est ainsi que lorsque vint le jour tant attendu dans tout le pays, parmi les carrosses qui pénétrèrent dans la cour pour y mener les grandes familles avec leurs filles, le bucheron et sa fille se mêlèrent en toute discrétion au beau monde. La discrétion ne dura cependant pas longtemps, car lorsque la jeune fille sortit du carrosse dans sa robe somptueuse, toutes les têtes se tournèrent vers cette magnifique beauté au teint si blanc qu’on aurait dit sa peau translucide. Afin de ne pas éveiller les soupçons et éviter que l’on réalise que sa fille n’était pas invitée, le père lui demanda expressément de quitter la soirée à minuit et de le rejoindre derrière le palais pour qu’ils retournent dans leur forêt sans se faire remarquer. La jeune fille promit et suivit le flot d’invités vers la grande salle de bal.
A l’extrémité de cette somptueuse salle, le roi était assis dans son trône, les yeux rougis par des années de larmes. Il avait l’air de s’ennuyer profondément. Dès que la jeune fille le vit, une tempête s’agita en elle. Quelque chose l’attirait chez cet homme. Certes il était beau, mais c’était plus puissant qu’une simple attirance physique. Sans même lui avoir parlé, elle avait le sentiment qu’elle comprenait sa douleur. Que toute la tristesse qui l’habitait, elle la partageait. Comme elle n’avait aucune connaissance des convenances, elle fonça droit vers le roi et dès qu’elle fut devant lui, sans même une révérence ou un hochement de tête, elle lui dit :
« Messire, je sais ce qu’il y a au fond de votre cœur. Cette mélancolie indélébile, je la connais. »
Le roi la regarda, étonné, et lorsqu’il ouvrit la bouche pour répondre, il fut comme paralysé. Cette jeune femme au teint si blanc était non seulement d’une beauté déconcertante, mais au-delà de la splendeur qu’elle dégageait, il avait l’impression de saisir toute sa détresse. Il se leva, lui prit la main et l’entraina avec lui dans ses appartements, laissant ses conseillers très mal à l’aise devant la foule venue expressément passer du temps avec le roi. Il fit visiter à la jeune femme les recoins secrets de son palais où il aimait pleurer, les pièces les plus propices à broyer du noir, les couloirs où faire les cent pas et il l’emmena finalement sur le toit où il pouvait passer des heures à se plaindre. Mais cette fois-ci, tous les deux côte à côte à contempler le royaume depuis les toits du palais, aucun n’avait le cœur à la mélancolie. Ils parlaient, parlaient, échangeant sur leurs façons d’exprimer le désespoir, sur leurs astuces pour pleurer en cachette, les sons provoqués par leurs différentes complaintes… Découvrant toutes ces similitudes, ils finirent par en rire.
Et puis le silence se fit. Ils contemplaient la lune sans rien dire, réalisant pour la première fois combien elle était belle. Et sans qu’ils s’en rendent compte, la tristesse les quittait peu à peu. Le roi prit la main de la jeune fille, ils se regardèrent sous les rayons de la lune, puis il l’embrassa. Après tant d’années à se morfondre, ces deux corps prostrés étaient comme regonflés à bloc. Ils furent bientôt saisis par une fougue les dépassant et se retrouvèrent nus sur le toit, face à face, les yeux dans les yeux, le roi allongé sur le corps de la jeune femme. Et dans un soupir de bonheur partagé, très lentement, comme pour savourer chaque seconde, le chef du royaume pénétra la jeune femme de son chibre princier. Centimètre après centimètre, les deux amants avançaient dans le chemin du plaisir conjugué, retenant leur respiration et profitant de cet instant hors du temps, oubliant les années de tristesse qui étaient leur quotidien.
Le roi découvrait une chaleur intime unique, un confort soyeux comme jamais il n’en avait connu auparavant et la jeune fille ne savait pas si elle rêvait ou si elle était éveillée face au plaisir inouï d’être remplie par ce sexe royal si doux. Mais lorsque le prince eut fait pénétrer presque l’intégralité de son pénis dans cet écrin merveilleux, les douze coups de minuit retentirent et la jeune femme sortit de sa torpeur lascive. Elle se dégagea soudainement, enfila sa robe et courut à perdre haleine pour retrouver son père. Le roi tenta de l’arrêter, la pria de l’attendre, mais en vain… Elle disparut aussi vite qu’elle était entrée dans sa vie.
Le père se réjouit de voir que sa fille s’était visiblement bien amusée. Ses joues étaient teintées de rouge et elle affichait une mine béate où toute tristesse avait disparu. Mais le lendemain, aux premières lueurs du jour, alors que sa fille se réveillait, elle éclata en sanglot et repartit dans des vagues de tristesse encore plus intenses qu’avant. Et le père qui ne comprenait rien à l’amour ne se doutait pas que c’était maintenant le manque de l’être aimé qui rendait sa fille désespérée. Le roi lui manquait, mais elle savait que cette soirée n’avait été qu’une parenthèse et qu’il ne fallait plus y penser.
De son côté, le roi effrayait ses conseillers tant sa tristesse s’était renforcée depuis la grande fête. Aucun d’eux ne comprenait ce qu’avait le roi. Enfin presque aucun. Le plus vieux d’entre eux qui était aussi le plus sage se doutait que cela avait un rapport avec la jeune fille rencontrée à la fête. Alors il alla voir le roi et lui proposa de partir retrouver la jeune femme. Mais le roi ne connaissait pas son nom. Et il n’était même pas certain de reconnaître son visage. Ils avaient passé la majeure partie de la soirée dans la nuit sur le toit. Le conseiller demanda au roi s’il n’y avait pas un détail qui la rendait unique par rapport aux autres jeunes femmes. C’est alors qu’il se souvint que son vagin était d’une douceur irréelle, caressant à la perfection son pénis. Il partagea ce détail avec son conseiller et il fut décidé qu’il irait à la recherche de la jeune femme à travers tout le royaume.
Dès le lendemain, le roi se rendit chez une première jeune fille qui avait été présente à la soirée. La jeune marquise rougit à la demande du roi, mais dans l’ambiance morose généralisée, la requête apportait un peu de gaieté. Le roi l’entraina dans le jardin de ses parents et après quelques caresses d’usage, il la pénétra. Or il s’avéra un amant fougueux motivé par son désir de retrouver sa dulcinée. Il donna ainsi beaucoup de plaisir à la jeune femme qui retrouva goût à la vie après le passage de son roi. Mais celui-ci savait qu’elle n’était pas celle qu’il cherchait.
Il se rendit chez une seconde jeune femme. Ses seins immenses ne correspondaient pas à ses souvenirs, mais il n’avait confiance qu’en son sexe et après lui avoir lécher abondamment ses lèvres intimes roses et sucrées, il la pénétra également jusqu’à leurs deux plaisirs pour être bien certain. Il honora le corps d’une troisième, qui fut tout aussi heureuse de cette parenthèse inattendue. Il sut dès le premier assaut qu’elle n’était pas celle qu’il cherchait, mais en tant que roi soucieux du bienêtre de son peuple, il poursuivit l’acte jusqu’au bout, s’assurant que la demoiselle garde un souvenir contenté de son roi. Il passa ainsi toute une semaine à étreindre, à copuler, à s’ébattre, à besogner des dizaines et des dizaines de jeunes femmes du royaume qui voyaient ainsi leurs ternes journées prendre un peu d’éclat sans que la bienséance ne puisse rien dire : c’était le choix du roi.
Mais bien que motivé à l’idée de retrouver celle qu’il aimait, au fur et à mesure de ces démonstrations érotiques, il perdait espoir. Un soir, alors qu’il avait partagé la couche d’une vingtaine de femmes dans la journée, il se retrouva trop loin pour rentrer dormir dans son palais. Toutes les auberges des environs avaient été désertées par leurs propriétaires et la seule habitation de la région était celle d’un bucheron et sa fille. Le roi s’y rendit en se déguisant en voyageur pour ne pas recevoir un traitement de faveur.
Le bucheron était un brave homme et il accueillit l’étranger comme un ami. Le roi alla se reposer dans sa chambre, ayant besoin de récupérer de ses explorations érotiques répétées. Lorsque le bucheron l’appela pour diner, il se rendit à la table surtout par politesse. C’est alors qu’il vit la fille de son hôte. Elle avait un air d’une tristesse infinie, mais elle était si belle. Tellement belle que le roi se demanda si… Mais c’était impossible, aucune fille de bucheron n’avait été invitée. La jeune fille releva sa tête lourde de chagrin vers l’homme qui partageait leur repas. Elle fut saisie par un doute. Il ressemblait au roi, il avait cette même expression de tristesse profonde. Ce ne pouvait pas être lui, cet homme était un vagabond. Le roi était dans son palais fastueux à cette heure. Le repas se passa sans une parole. La jeune fille aida son père à faire la vaisselle sous le regard inquisiteur de l’inconnu. Puis celui-ci l’invita à l’accompagner dans le jardin de la maisonnette pour regarder la lune. La jeune femme fut étonnée de cette curieuse requête, mais comme son père l’encourageait, elle accepta.
Sous les rayons de la lune, dans la douceur de l’herbe, ils parlèrent des heures, échangèrent sur leur chagrin, reprirent les discussions entamées au cours de la soirée passée et sans qu’aucun n’y fasse référence, ils surent bientôt qu’il était celui qu’elle désirait et qu’elle était celle qu’il cherchait. Il l’embrassa, l’étreignit de plus en plus fort, jusqu’à ce que le désir les étouffe. Alors ils se déshabillèrent et aussi doucement que la première fois, il la pénétra avec un plaisir infini. Et immédiatement il sut que c’était elle. Il fit quelques va-et-vient langoureux qui les scotchèrent dans leur béatitude, puis il accéléra les choses et bientôt ce fut un festival d’extase pour les deux amants. Elle tremblait de jouissance et le roi explosa dans une apothéose explosive, bien au-delà de tout ce qu’il avait connu au fil des derniers jours.
Le mariage fut célébré quelques jours plus tard au cours d’une fête où tout le pays fut convié. Jamais plus grande joie n’avait été vue dans le royaume depuis des années. Et neuf mois plus tard, la fille du bucheron donna naissance à un magnifique enfant souriant et heureux, tout comme des dizaines des jeunes filles qui avaient croisé le chemin fougueux du roi cette même semaine… Jamais enfants ne furent plus joyeux que ceux-là et le royaume eut bientôt la réputation d’être l’endroit du monde où les habitants étaient les plus heureux.